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Photo: Albert Gonzalez Farran / UNAMID / Flickr
Photo: Albert Gonzalez Farran / UNAMID / Flickr

« Nous avons besoin de nouvelles idées pour nous assurer que les réponses éducatives apportées à la crise du COVID-19 ne portent pas préjudice aux personnes marginalisées », par Manos Antoninis.

Publié 22 avril 2020 Mis à jour 22 avril 2020
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Au milieu des turbulences créées par la pandémie, deux éléments sont critiques. Premièrement, la crise a mis en évidence des inégalités préexistantes. Deuxièmement, elle est l’occasion d’un cours accéléré de philosophie morale : nous sommes tou·te·s placé·e·s devant des choix difficiles, dans la mesure où des solutions qui aident certaines personnes peuvent porter un préjudice grave à d’autres. Ces deux perspectives sont tout à fait pertinentes dans le cas de l’éducation.

Les gouvernements du monde entier ont réagi avec zèle à la nouvelle situation. Cependant, tout comme les systèmes éducatifs se débattent pour répondre aux besoins des personnes marginalisées lorsque tout va bien, les diverses modalités d’apprentissage à distance mises en place à la hâte laissent apparaître leurs faiblesses. L’absence de contact avec les élèves prive les enseignant·e·s de certains des outils les plus importants dont il·elle·s disposent habituellement pour compenser les désavantages des apprenant·e·s marginalisé·e·s.

Le rapport mondial de suivi de l’éducation 2020(GEM 2020) consacré à l’inclusion et à l’éducation, qui doit être publié le 23 juin, révèle que de nombreux enfants sont en butte à la discrimination et à l’exclusion de l’éducation quand tout va bien. Ces désavantages sont aujourd’hui exacerbés : les élèves pauvres ne peuvent pas se connecter aux plateformes d’apprentissage à distance dans les mêmes conditions et, souvent, leur foyer n’offre pas un environnement adéquat pour étudier. En dépit des nombreux exemples d’efforts héroïques pour surmonter les obstacles, la charge de trouver des solutions qui est imposée au corps enseignant est disproportionnée et injuste. Face à la perspective de fermeture prolongée des écoles, il convient de faire en sorte dès aujourd’hui que les élèves marginalisés ne soient pas laissés pour compte. Nous ne devons pas oublier que certain·e·s enseignant·e·s rencontrent actuellement d’énormes difficultés pour travailler à distance.

L’apprentissage en ligne n’est une bonne solution que pour les élèves qui n’ont pas besoin d’un soutien personnalisé et pour les enseignant·e·s qui ont été formé·e·s pour travailler ainsi. Comme le dit cet enseignant français dans son message au ministre français de l’Éducation nationale, les enseignant·e·s ne sont pas à l’aise avec le déploiement de nouvelles pédagogies conçues uniquement pour les élèves les plus privilégiés. Les enfants ayant des difficultés d’apprentissage, par exemple, ne seront pas en mesure de travailler de manière indépendante devant un ordinateur. L’absence de la routine créée dans les écoles et l’absence de thérapie dont de nombreux enfants bénéficient dans l’enceinte de l’école vont déconcerter bon nombre d’élèves. Les attentes et des méthodes permettant d’éviter que les apprenant·e·s les plus marginalisé·e·s ne soient pas laissé·e·s sur le bord du chemin doivent être reconsidérées.

Certain·e·s enseignant·e·s s’organisent pour fournir l’effort supplémentaire en vue d’atteindre les élèves handicapés, en utilisant des vidéoconférences pour enseigner en Braille, par exemple. Mais cela reste l’exception plutôt que la règle et cette situation n’est pas tenable à terme. Les formations sont déployées à une échelle impressionnante dans certains pays, mais, tout en étant extrêmement réactives, des initiatives telles que devenir un tuteur en ligne en 24 heures, promue par les Émirats Arabes Unis, ne suffiront tout simplement pas pour les enseignant·e·s qui essaient d’atteindre les familles marginalisées.

Bien que des circonstances exceptionnelles appellent des mesures exceptionnelles, avec des écueils et des erreurs clairement attendus en cours de route, des situations plus alarmantes sont apparues pour les apprenant·e·s marginalisé·e·s. Les États-Unis, par exemple, plutôt que de proposer de nouvelles solutions pour combler l’écart, envisagent d’abandonner des éléments de la loi fédérale sur l’éducation des personnes handicapées, qu’ils jugent impossibles d’assurer pendant la pandémie. Les services de formation et de soutien des personnes ayant des besoins spéciaux ont été réduits en Chine et suspendus en Argentine.

Les personnels de soutien à l’éducation et les bénévoles locaux seront essentiels pendant cette période de hiatus éducatif pour faire en sorte que la sécurité et les besoins d’apprentissage des apprenant·e·s les plus marginalisé·e·s ne soient pas oubliés. D’aucuns qualifient les soins qu’ils dispensent aux enfants handicapés d’ infrastructure essentielle– un autre service vital – qui doit être protégée par-dessus tout. L’envoi de courriels avec des liens et des pièces jointes ne suffit tout simplement pas pour les élèves issus de familles défavorisées sur le plan socioéconomique. Un contact direct, dans toute la mesure du possible, pendant la période de distanciation sociale, doit être établi. L’UNESCO va jusqu’à recommander qu’il « est peut-être souhaitable de maintenir un minimum de cours en classe avec de petits groupes d’apprenant·e·s ayant des besoins spéciaux».

La crise du COVID-19 a mis en lumière la dure réalité que nombre d’entre nous, qui travaillons dans la recherche sur l’éducation, tentons de résoudre depuis des années : les systèmes sont souvent construits sur des fondations instables, sont conçus pour un certain « type » d’élèves et laissent fréquemment de nombreux·euses apprenant·e·s dans l’impossibilité de trouver leur place à l’école. Les bouleversements actuels ont levé le voile sur le degré d’inégalité qui existe dans la société et, au sein de celle-ci, dans l’éducation. Bien que cela donne l’espoir que les pièces du puzzle formeront, en retombant, un système plus inclusif une fois la crise passée, cela ne résout pas les inégalités flagrantes dans les possibilités d’apprentissage qui se déploient sous nos yeux actuellement. Il est capital que le corps enseignant et les personnels de soutien à l’éducation soient inclus dans les discussions sur la manière d’améliorer les politiques qui viennent d’être élaborées et, en particulier, sur le retour à l’école en réduisant au minimum les perturbations lorsque les portes se rouvriront.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.