Le Bureau exécutif de l'Internationale de l'Éducation a organisé un webinaire d'urgence le vendredi 3 avril. Au cours de cet appel, le Bureau exécutif a adopté une résolution décrivant les principales demandes des éducateur∙trice∙s à tous les gouvernements et institutions internationales faisant face à la pandémie de COVID-19.
RÉSOLUTION DU BUREAU EXÉCUTIF : RÉPONSE DE L’IE À LA PANDÉMIE DE COVID-19
Le Bureau exécutif de l’Internationale de l’Éducation réuni en ligne le 3 avril 2020 :
Considérant que :
- La pandémie de COVID-19 touche désormais toutes les régions du monde et le nombre d’infections et de décès s’accélère, saturant les systèmes de soins de santé dans bon nombre de pays.
- Ce virus très contagieux se propage dans l’air. La transmission s’opère au contact des surfaces exposées au virus vivant et par contact humain. Afin de pouvoir atténuer le nombre d’infections, il est nécessaire de prendre des mesures pour limiter ces expositions et ces contacts, notamment la distanciation sociale, le lavage fréquent des mains, le nettoyage fréquent des surfaces exposées, la quarantaine et l’utilisation d’équipements de protection individuelle pour celles et ceux qui fournissent des services essentiels, en particulier pour le personnel médical et les services d’urgence, y compris le personnel des écoles et des établissements d’accueil de la petite enfance.
- Dans les pays les moins avancés et à forte densité de population, où l’information fiable reste difficile à obtenir, plusieurs millions de personnes sont menacées par la surpopulation et la pauvreté, ainsi que par l’insuffisance des infrastructures sanitaires et d’hygiène.
- Plusieurs millions de réfugié·e·s et de migrant·e·s sont à présent vulnérabilisé·e·s, dans la mesure où leurs environnements ne leur offrent pas suffisamment d’espace, d’hygiène ou de soins de santé, en particulier en cas de confinement dans des camps ou d’autres installations exiguës.
- Il s’agit d’une crise mondiale, un danger qui menace chacun·e d’entre nous et donc l’humanité entière.
Reconnaissant que :
- La communauté internationale et ses institutions ne sont pas parvenues à un consensus pour organiser la solidarité et faire face à cette crise mondiale.
- Trop de gouvernements ne sont pas suffisamment préparés pour faire face à une urgence de l’ampleur du COVID-19.
- La recherche de bénéfices rapides, plutôt que l’investissement productif, a également favorisé les perspectives à court terme sur le plan social et environnemental et la réduction des engagements en faveur des services publics et de la planification à long terme.
- La réponse à cette crise est compromise par une longue tradition de négligence et de sous-financement de la santé et d’autres services publics, ainsi que par l’empreinte durable des programmes d’austérité de la Grande Récession qui a suivi la crise financière de 2008.
- Les initiatives de nos dirigeant·e·s et leur volonté politique de produire d’urgence les équipements de protection individuelle et le matériel médical indispensable, en particulier pour le personnel médical et les équipes de première ligne, sont souvent faibles, voire inexistantes.
- Le manque de confiance à l’égard des gouvernements et des médias, ainsi que la diffusion massive de fausses informations, ont multiplié les difficultés à communiquer et comprendre les informations vitales en termes de santé publique, en particulier lorsque la transparence initialen’était pas suffisante concernant les réels dangers du COVID-19.
- Beaucoup de gouvernements n’ont apporté aucune réponse efficace à la violence, aux passages à tabac et au harcèlement survenus lors d’agressions racistes et « anti-étranger·ère·s » perpétrées par des groupes ou des sympathisant·e·s extrémistes.
- Certain·e·s xénophobes, responsables politiques, individus riches ou entreprises, ont utilisé et continueront à utiliser cette crise mondiale pour alimenter la peur et la haine et semer la discorde afin de servir leurs ambitions politiques et financières.
Soulignant que :
- La communauté éducative est sévèrement touchée par le COVID-19 : plus de 1,5 milliard d’étudiant·e·s, 63 millions d’enseignant·e·s et un grand nombre de personnels de soutien à l’éducation sont concernés en raison des quarantaines, des confinements et de la fermeture des écoles.
- Lorsque certaines écoles sont encore ouvertes, y compris dans des situations où celles-ci doivent rester accessibles aux enfants des travailleur·euse·s de première ligne indispensables ou aux enfants vulnérables, ou lorsque les services de cantine ou autres sont assurés, les enfants, les enseignant·e·s et les personnels de soutien à l’éducation doivent recevoir des équipements de protection individuelle adéquats pour garantir leur santé et leur sécurité dans ces environnements scolaires.
- La fermeture des écoles tend à renforcer les inégalités et, bien que l’utilisation d’outils numériques dans certains pays puisse être bénéfique en cette période, ces outils se révèlent souvent moins utiles pour les étudiant·e·s défavorisé·e·s, ayant des besoins spéciaux ou nécessitant une attention particulière, accentuant ainsi la fracture numérique.
- Dans la plupart des pays, il n’est toujours pas possible d’organiser des classes numériques en raison du manque d’ordinateurs et de l’inaccessibilité à Internet ou à d’autres plateformes en ligne et, dans certains pays, en raison du coût exorbitant des données qui limite l’accès et les opportunités.
- Même les étudiant·e·s qui possèdent des équipements, des compétences et une culture numériques seront privé·e·s de leurs précieuses interactions et relations sociales avec leurs enseignant·e·s, les autres personnels de l’éducation et les autres étudiant·e·s.
- Les méthodes d’enseignement alternatives durant la crise sont des mesures temporaires qui ne peuvent remplacer la présence physique des étudiant·e·s.
- Si, dans certains pays, les enseignant·e·s et les personnels de soutien à l’éducation perçoivent actuellement leurs salaires et leurs avantages, ce n’est pas le cas dans une grande partie du monde.
- Les personnes qui exercent un travail précaire, sans aucune sécurité d’emploi, notamment le personnel auxiliaire, les enseignant·e·s contractuel·le·s, les chercheur·euse·s, les assistant·e·s de l’enseignement supérieur, le personnel de l’éducation de la petite enfance et les personnels de soutien à l’éducation (PSE) sont de plus en plus vulnérables à cause de la crise.
- Souvent, les enseignant·e·s et les PSE sont exposés à un risque élevé de contracter le COVID-19, en raison de leur âge avancé ou de maladies sous-jacentes, qui peuvent rendre dangereux le travail au contact d’autres personnes ou tout autre contact social.
- Un critère important pour mesurer le progrès, pendant et après la pandémie, est la poursuite et l’accélération de nos travaux pour réaliser les Objectifs de développement durable (ODD), en particulier l’ODD 4 concernant l’éducation, qui, en raison de la crise, sont plus importants que jamais.
- Afin de développer de bonnes politiques, la recherche menée par l’IE et les organisations membres est cruciale, de même que l’orientation du contenu et l’appui au subventionnement d’une recherche indépendante menée par des tiers.
- La démocratie, en particulier lorsqu’elle risque d’être « mise entre parenthèses » à certaines périodes, doit être défendue avec vigueur par toutes les forces vives démocratiques, dont les syndicats et notamment ceux qui représentent les enseignant·e·s et les autres personnels de l’éducation, qui jouent un rôle important dans les écoles et les communautés.
Appelle à prendre les engagements suivants :
- Les instances internationales et régionales doivent coordonner et coopérer pour apporter une réponse cohérente et efficace à cette pandémie mondiale.
- Les gouvernements doivent mobiliser suffisamment de personnes et des ressources abondantes en matière de santé, y compris la santé mentale, d’aide et de solidarité aux niveaux international, régional et national.
- Les institutions financières internationales doivent mettre à disposition les ressources nécessaires pour lutter contre la pandémie et ses conséquences, sans conditions dommageables, onéreuses et/ou paralysantes.
- Les gouvernements doivent assurer la protection des enseignant·e·s et des personnels de soutien à l’éducation à l’oeuvre dans les écoles restées ouvertes pour accueillir les enfants du personnel de première ligne ou les enfants vulnérables, ou dans les services de cantine ou autres.
- Les gouvernements, confrontés aux conséquences sociales et économiques de la pandémie, doivent accorder la priorité à l’ensemble des travailleur·euse·s et de leurs familles, notamment en termes de salaires, revenus et protections sociales.
- Les gouvernements doivent consulter les syndicats de l’éducation concernant le processus de fermeture des écoles et l’organisation d’un enseignement réduit et modifié.
- Les gouvernements doivent veiller à impliquer les professionnel·le·s de l’éducation et leurs syndicats dans la politique et le processus de réouverture des écoles après la pandémie.
- Les gouvernements doivent s’assurer que des ressources, tant fiscales qu’humaines, seront disponibles après la pandémie afin de pouvoir relancer pleinement leurs systèmes éducatifs.
- Les gouvernements doivent pourvoir les postes d’enseignant·e·s vacants, malgré les contretemps dans la formation des futur·e·s enseignant·e·s, afin de maintenir le niveau élevé des normes et des qualifications professionnelles.
- Les gouvernements doivent tenir compte de l’existence d’une fracture numérique et faire en sorte que les étudiant·e·s ne soient pas désavantagé·e·s dans le cadre des tests et des évaluations.
- Les gouvernements doivent éviter de prendre comme prétexte ou justification la fâcheuse nécessité de s’appuyer sur l’enseignement numérique ou d’autres modalités d’apprentissage en raison du COVID-19 pour diminuer les normes de qualité de l’éducation à l’avenir.
- Les gouvernements ne doivent pas ignorer ou sous-estimer les dangers de la numérisation et de l’intelligence artificielle dans les écoles et l’éducation ainsi que pour la démocratie, au travers de la surveillance, des atteintes à la vie privée, dont celle des étudiant·e·s et de leurs familles, ou d’autres pratiques « temporaires ».
- Les gouvernements doivent mettre tout en œuvre pour protéger la santé et le bien-être de tous les groupes et personnes vulnérables au sein de la population, notamment les personnes âgées, les réfugié·e·s, les migrant·e·s, les pauvres, les personnes défavorisées, les personnes souffrant de handicap, les femmes, notamment les femmes engagées dans les soins ou celles victimes de violence, les peuples autochtones, et toute autre personne victime de l’exclusion.
- Les gouvernements doivent veiller à améliorer le logement des réfugié·e·s et des migrant·e·s, en particulier dans les lieux de détention, les camps ou d’autres installations, afin de satisfaire aux normes en matière de santé et de sécurité.
- Les gouvernements et les responsables politiques doivent résister et s’opposer aux tentatives d’exploiter la peur et la panique à des fins personnelles électoralistes ou partisanes.
- Les responsables politiques et autres dirigeant·e·s doivent garantir que la fin de la pandémie ne se traduira pas par des mesures d’austérité mettant en péril les services publics.
- Les gouvernements doivent reconnaître que la solidarité au sein de la communauté internationale est une condition préalable indispensable pour progresser dans leurs pays et gérer les crises futures.
- Les gouvernements et les employeurs doivent reconnaître que les syndicats jouent un rôle important dans le bon fonctionnement de la démocratie et que le dialogue social et le tripartisme sont déterminants pour assurer le bon fonctionnement de la société et résoudre les conflits, en particulier en période de crise.
- Les gouvernements et les employeurs doivent protéger les droits et les moyens de subsistance des éducateur·rice·s et des personnels de soutien, et ne pas se servir de la pandémie comme argument pour supprimer ou affaiblir les conventions collectives négociées, alors que dans les faits cette crise démontre l’importance de la négociation collective et le soutien qu’elle apporte aux travailleur·euse·s et leurs communautés.
- Les responsables politiques doivent mettre en place l’équivalent mondial du plan Marshall, afin de créer les conditions les plus favorables possible pour une reprise économique respectueuse de l’environnement, au lendemain de la crise du COVID-19.