Au Luxembourg la pénurie d’instituteurs diplômés était régulièrement à la une des médias ces dernières années. Et ce malgré le fait que l’OCDE dresse à nouveau le constat que les enseignants du Luxembourg sont les mieux payés. Une pénurie et un salaire exceptionnel peuvent apparaître comme un paradoxe inexplicable au lecteur, même chez nous au Luxembourg, comme le témoignent les commentaires des lecteurs au niveau national.
Néanmoins en tant qu’enseignant je connais très bien les raisons en cause. En effet, l’attractivité de la profession d’instituteur a dramatiquement chuté ces dernières années, et les causes en sont multiples. Tout comme mes collègues, je vois clairement et surtout nettement augmenter la diversité et l’hétérogénéité dans nos classes et nos écoles, tout comme le nombre d’élèves à besoins spécifiques. La gérance d’une classe tellement hétérogène et regroupant des élèves présentant entre autres des déficits d’attention, des troubles de comportement, des difficultés d’apprentissage, des retards de développement… devient ainsi un défi souvent insurmontable pour bon nombre d’instituteurs.
Une réalité que j’ai dû vivre moi-même tout au long de ma carrière, tout en ayant eu à charge des classes parfois plus faciles et parfois plus difficiles. Une réalité d’autant plus difficile à accepter, comme j’ai choisi la profession d’instituteur pour des raisons plutôt d’ordre altruiste, notamment pour accompagner les élèves pour en faire des citoyens instruits et par là apporter une plus-value à notre société. Dans cette optique une démarche inclusive s’impose, et la mise en place d’un environnement propice à l’apprentissage de chacun de mes élèves est l’un de mes idéaux professionnels, pourtant de plus en plus difficile à réaliser. Un échec est ainsi perçu comme un échec personnel et est parfois difficile à gérer. Je pense que la plus grande partie de mes collègues se trouve dans la même situation. Une situation qui mène à une certaine insatisfaction professionnelle et chez certains collègues même au burnout.
La rémunération ne peut finalement pas compenser cette charge parfois trop élevée, surtout comme dans mon cas où le choix de devenir instituteur n’a pas été motivé par le côté financier. J’estime que tel est le cas pour la plupart des collègues. De plus, il faut surtout voir la rémunération de l’instituteur dans un contexte national où il n’est pas exceptionnellement bien payé par rapport aux autres professions. Je dirais que le Luxembourg dispose de beaucoup de métiers et de professions les mieux payés, et ce constat ne devrait pas se limiter à l’enseignement.
Le fait que je suis resté et que je resterai dans la profession d’instituteur est surtout dû à la volonté politique de remédier à cette situation et de doter les écoles de moyens suffisants afin de mettre en place les dispositifs nécessaires à l’inclusion et à la réussite de tous les élèves. Au sein de notre syndicat nous avons créé des groupes de travail composés d’enseignants motivés au sein desquels des revendications remédiant aux difficultés rencontrées dans notre travail quotidien sont élaborées. C’est ainsi qu’ensemble avec notre Ministère de l’Éducation Nationale de nouvelles mesures comme le poste d’Instituteur pour enfants à besoins spécifiques (I-EBS) ont vu le jour il y a deux ans. Un instituteur qui assiste les enfants en question et qui soutient les titulaires de classe selon une approche inclusive. Un poste que j’ai choisi de revêtir dès sa création parce que j’ai fait l’expérience au cours des années précédentes, surtout lors de mon travail dans une structure pour enfants ayant des troubles de comportement, que c’est à l’école qu’incombe le rôle de créer un cadre permettant l’apprentissage optimal de tout un chacun et d’être un lieu où sont vécues les valeurs d’une société inclusive comme le respect mutuel et la solidarité, de sorte que la diversité devienne une source de force.
Les formations continues offertes aux instituteurs pour enfants à besoins spécifiques ainsi que l’aide et le conseil fourni par notre Ministère a été irréprochable, voire exemplaire. Toutefois il existe - tout comme le revendique notre syndicat - un besoin encore beaucoup plus élevé en instituteurs tout comme en instituteurs pour enfants à besoins spécifiques. Car en l’absence des moyens disponibles l’inclusion désirée peut vite tourner en exclusion dans une salle de classe. Malheureusement aussi ici au Luxembourg, dans un pays riche. Une des mesures nécessaires pour rendre la profession d’instituteur à nouveau plus attractive est la création de postes supplémentaires d’instituteurs pour enfants à besoins spécifiques. Enseigner est devenu de plus en plus complexe, et pour tenir compte de notre diversité et de notre hétérogénéité nos écoles doivent disposer des ressources personnelles nécessaires afin d’exploiter cette force et la richesse de cette diversité.
Dans une société des connaissances l’éducation des enfants devrait être une priorité absolue et l’école fondamentale, en construisant l’éducation de nos enfants, devrait attirer le personnel le plus hautement qualifié. C’est dans cette optique que notre syndicat veut intervenir auprès du gouvernement afin de mettre fin à la pénurie et de donner à nos écoles le personnel et les moyens nécessaires pour vivre une éducation inclusive.
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Le thème de la Journée Mondiale des enseignant·e·s 2019 est « Jeunes enseignant·e·s: l’avenir de la profession ». Pour marquer cette occasion, nous inaugurons une série de blogues présentant la voix et les expériences de jeunes enseignant·e·s et personnels de soutien à l’éducation. C’est l’opportunité d’entendre les témoignages directs de jeunes professionnels et syndicalistes du monde entier et de découvrir leurs parcours : ce qui les a conduit·e·s à choisir cette profession, les défis auxquels il·elle·s sont confronté·e·s et leurs projets d’avenir.
Si vous êtes un·e jeune enseignant·e ou personnel de soutien à l’éducation, ou si vous avez rejoint la profession récemment, n’hésitez pas à contribuer à cette série pour faire entendre votre voix ! Prenez directement contact avec Sonia à Sonia.grigt@ei-ie.org.
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