Le 8e Congrès mondial de l’Internationale de l’Éducation (IE) réuni à Bangkok du 21 au 26 juillet 2019 observe que :
(1) la marchandisation et la privatisation croissantes de l’éducation constituent l’une des plus graves menaces pour l’éducation en tant que droit humain et bien public. Elles portent atteinte aux droits des enfants, des élèves et de la profession enseignante et mettent gravement en péril l’avenir de l’éducation publique et la capacité souveraine des Etats à définir des politiques éducatives alignées sur leurs propres projets pour promouvoir le développement durable;
(2) les gouvernements abrogent leurs engagements stratégiques et législatifs et leurs obligations financières pour une éducation équitable et de qualité pour toutes et tous. Parfois des gouvernements favorisent et/ou encouragent activement la marchandisation et la privatisation de l’éducation, en transférant des ressources publiques au secteur privé ou en facilitant l’intervention des acteurs privés dans la gestion publique, non seulement dans leur pays, mais aussi à l’étranger, dans le cadre de programmes internationaux de développement ;
(3) malgré les preuves, y compris les leurs, démontrant les effets préjudiciables de la privatisation, les institutions financières internationales continuent à promouvoir la privatisation et la commercialisation de l’éducation de multiples façons, notamment au travers de programmes offrant des opportunités de marché aux acteurs privés ;
(4) les acteurs commerciaux mondiaux acquièrent une influence politique et stratégique, nationale et internationale, importante et croissante, alors que certains de ces acteurs commerciaux agissent souvent au mépris de la loi lorsque celle-ci s’oppose à leurs intérêts et à leurs modèles commerciaux ;
(5) la menace de la marchandisation et de la privatisation est étayée par une analyse montrant que les acteurs commerciaux considèrent l’éducation comme un marché d’opportunités commerciales, nos élèves comme de simples unités économiques exploitables et les travailleur·euse·s de l’éducation comme des éléments superflus dans leur tentative de satisfaire leur recherche de profits et leur cupidité insatiables ;
(6) le processus de « réforme » néolibérale – de la marchandisation et la privatisation de l’offre éducative à la monétisation et à la normalisation de l’évaluation, des programmes scolaires, de la pédagogie et de la formation des enseignant·e·s – est conçu pour optimiser l’accès et le profit du secteur de l’éducation, qui représente 5 000 milliards de dollars américains par an ;
(7) les programmes scolaires complets et inclusifs risquent d’être saisis et repensés par les entreprises pour répondre aux intérêts néolibéraux ;
(8) à l’heure actuelle, 2% seulement du « marché de l’éducation » sont liés au numérique. Il est largement démontré que les entreprises de technologies de l’éducation cherchent à accroître leur part du marché en ciblant directement les élèves, en contournant la profession, avec les conséquences négatives que cela peut avoir sur l’enseignement et l’apprentissage. La cadence de la marchandisation et de la privatisation sera de plus en plus rythmée par la numérisation de l’éducation.
Notant
(9) à la lumière de l’expansion mondiale du processus de privatisation et de commercialisation de l’éducation, l’importance pour le personnel enseignant et les syndicats qui le représente de prendre l’initiative de définir une stratégie commune au niveau international, tel que le prévoit la Réponse mondiale, fondée sur la recherche, la communication, la syndicalisation et la mobilisation ;
(10) le succès de la Réponse mondiale qui a réussi à attirer l’attention sur la privatisation et la marchandisation de l’éducation, à sensibiliser davantage aux menaces qui en découlent pour le droit à une éducation de qualité pour tous et à créer un élan politique ;
(11) la mise en place d’une capacité réelle et unitaire par une action directe sur le plan national pour répondre aux menaces de privatisation ;
(12) l’importance d’une solidarité démontrée par le soutien politique direct des organisations membres à l’intérieur des pays et entre ceux-ci, aux niveaux régional et mondial ;
le Congrès donne mandat au Bureau exécutif et demande à toutes les organisations membres de :
(13) réaffirmer notre engagement et notre résolution à renforcer et à développer la Réponse mondiale en étendant la portée de la campagne grâce à une collaboration entre tous les secteurs et toutes les catégories de membres ;
(14) renouveler nos efforts aux niveaux local, national et continental, en renforçant les actions mondiales de plaidoyer de l’IE qui visent à contester et à s’opposer à la réalisation de profits dans le secteur de l’éducation, étant donné que cela porte atteinte au droit universel à une éducation gratuite de qualité et crée et creuse des inégalités, ainsi qu’aux conditions de travail et aux droits des enseignant·e·s et autres personnels de l’éducation ;
(15) continuer de développer, au sein des instances nationales et entre elles, la solidarité nécessaire pour faire face à l’influence et à la présence croissantes des acteurs commerciaux mondiaux et des agences intergouvernementales poussant la privatisation aux plans mondial et national ;
(16) continuer d’explorer la convergence des campagnes nationales des organisations membres des pays en développement avec celles des affiliés des pays industrialisés. L’IE intégrera davantage la Réponse mondiale dans ses activités de coopération au développement et dans celles de ses organisations membres. Par ailleurs, l’IE et ses organisations membres continueront de créer et de renforcer des alliances avec le mouvement syndical au sens large et avec des partenaires de la société civile, des ONG qui partagent leurs idées ;
(17) poursuivre la conduite des recherches nécessaires pour mettre au jour les mécanismes de commercialisation et les agissements des organisations dites philanthropiques, qui influencent les politiques d’éducation publique.
L’utilisation des ressources sera ciblée afin :
(18) de soutenir et de continuer à étendre la portée de la Réponse mondiale. Une attention particulière sera accordée :
(i) à continuer à tenir les Etats responsables de garantir le droit à l’éducation publique, ainsi que le financement nécessaire ;
(ii) à l’extension de notre action par le biais des médias traditionnels et, surtout, des réseaux sociaux en produisant un effet réel sur des publics ciblés et variés, notamment les membres, les responsables politiques et les agences intergouvernementales ;
(iii) au renforcement des capacités de recherche et de documentation de l’IE et de ses organisations membres afin de faire face à la marchandisation de l’éducation. Un important domaine d’action sera le rôle croissant des technologies de l’éducation et de l’intelligence artificielle (IA) dans l’éducation, lorsqu’elles sont susceptibles d’affecter négativement la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage ;
(iv) à l’exploration d’options juridiques en vue de faire rendre des comptes aux acteurs commerciaux impitoyables et à leurs partisans ;
(v) à développer du matériel de mobilisation, de discussion et d’autres ressources pour aider les organisations membres à faire pression sur leurs gouvernements nationaux.
(vi) à encourager des organisations membres ciblées à nouer des liens avec la communauté universitaire et à faire pression sur leurs gouvernements nationaux dans le cadre de problématiques se révélant particulièrement importantes pour la Réponse mondiale.
(19) de développer et d’étendre la Réponse mondiale dans tous les pays et notamment dans les pays en développement.
(20) Aider à mettre fin à l’ingérence du secteur privé dans l’éducation publique subventionnée par l’Etat dans les pays développés.