Lorsque je me suis syndiquée, ce qui m’a attiré n’était pas tant la perspective que le syndicat était là pour me protéger s’il m’arrivait quelque chose dans ma vie professionnelle. Ma motivation était plutôt que le syndicat était l’endroit où je pouvais faire bouger les lignes avec d’autres. L’enseignement est une profession féminisée, ce qui signifie que les écoles regorgent de dirigeantes capables. Toute ma vie, j’ai vu et j’ai été inspirée par la manière dont les femmes exercent leur leadership en tant qu’enseignantes ou chargées de cours formant de futur·e·s enseignant·e·s et la manière dont elles prennent l’initiative pour éduquer les syndicats. J’ai toutefois également vu des exemples dans mon pays, la Suède, et ailleurs dans le monde de la façon dont ces dirigeantes sont malmenées et ne reçoivent pas la reconnaissance ou le soutien nécessaire pour aller plus loin et influencer, par leur leadership, l’avenir de la profession enseignante et des syndicats de l’éducation.
En cette Journée internationale des femmes, je réfléchis à la manière dont nous, les syndicats, nous pouvons œuvrer pour responsabiliser les femmes et faire progresser la profession enseignante.
Le vrai pouvoir naît de la compréhension du fait qu’en tant que dirigeant·e·s syndicaux·ales, nous devons jouer en équipe et que nous jouons dans l’équipe des enseignant·e·s. Cela signifie donner la priorité aux affilié·e·s et rencontrer les enseignant·e·s sur leur lieu de travail pour garder le contact avec la réalité. Dans mon pays, le gouvernement s’efforce généralement de maintenir un bon dialogue avec les partenaires sociaux. En tant que présidente du principal syndicat d’enseignants suédois, je rencontre fréquemment les ministres, notamment le ministre de l’Education et celui de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ainsi que, bien évidemment, les principales organisations d’employeurs de l’éducation. Etant donné que je visite aussi souvent des écoles et que je rencontre des enseignant·e·s et leurs chef·fe·s d’établissement, les ministres savent que je possède une connaissance approfondie de la profession enseignante et de ses valeurs et que mes arguments sont fondés et fiables.
C’est l’action commune qui entraîne le changement. Pour être un·e dirigeant·e qui réussit, il faut réunir et partager la force, les connaissances collégiales et l’expérience entre les membres. En tant que dirigeante syndicale, je possède un pouvoir et un accès à des plateformes que tout le monde n’a pas. On dit parfois que la pratique du partage de pouvoir et du leadership collaboratif est l’apanage des femmes. Cette réflexion repose souvent sur l’idée négative que les femmes sont faibles et doivent donc promouvoir la collaboration. Je dirais plutôt que c’est une question de leadership efficace, qui repose sur le pouvoir, la compétence et l’engagement d’un grand nombre de personnes. A mesure que les enseignant·e·s grandissent et se développent au contact de leurs collègues et de leurs étudiant·e·s, les dirigeant·e·s syndicaux·ales doivent développer et conduire un dialogue avec leurs collègues et leurs affilié·e·s.
L’Internationale de l’Education et ses organisations membres ont pris fermement position en faveur de la promotion de l’égalité des genres au sein de nos organisations, dans l’éducation et dans la société. Dans le contexte suédois, un aspect important a été l’intégration de l’égalité des genres en tant que partie intégrante d’une éducation de qualité. Au cours de l’année écoulée, nos actions de plaidoyer ont mis l’accent sur le programme préscolaire, dont l’enseignement requiert également que les enseignant·e·s suivent un perfectionnement professionnel qui tienne compte de l’égalité des genres. Comment, en tant que profession, pouvons-nous contribuer à résoudre les problèmes structurels anciens, comme celui des garçons qui obtiennent de moins bons résultats scolaires mais qui occupent toujours les postes les plus élevés dans la société et perçoivent les salaires les plus élevés? Je ne dis pas que ce sont les enseignant·e·s qui doivent y remédier, mais je pense que la profession pourrait assumer davantage son rôle de leader et contribuer plus fortement à modifier les structures de discrimination. Mon syndicat, Lärarförbundet, a recours à diverses stratégies pour tenir nos engagements communs. L’une d’entre elles consiste à mener des actions de plaidoyer auprès d’entreprises qui présentent et reproduisent encore aujourd’hui des rôles stéréotypés pour les femmes et les hommes dans le matériel didactique qu’elles vendent aux écoles suédoises. Le syndicat mène des projets sur l’égalité et organise une formation syndicale pour les responsables locaux·ales et nationaux·ales et les membres individuel·le·s. Il a élaboré un plan d'action pour réagir à tous les types de discrimination ainsi que pour prévenir le harcèlement sexuel et agir contre cette pratique, qui fait chaque année l’objet d’une enquête et de discussions.
Le contexte suédois est favorable à une dirigeante syndicale. La moitié des ministres du gouvernement sont des femmes, mais nous attendons toujours la première femme suédoise Premier ministre. Dans le gouvernement qui vient d’être constitué, le ministre de l’Education et le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche sont des femmes. Grâce à cela, nous disposons d’une occasion unique de prendre en compte dans le dialogue social la capacité et le leadership qui existent dans notre profession dominée par les femmes. Toutefois, l’inégalité des genres est structurelle, enracinée dans l’histoire, dans la société et dans nos syndicats. Nous devons unir nos forces.
La vertigineuse pénurie d’enseignant·e·s en Suède nous oblige à utiliser notre pouvoir pour attirer des hommes et des femmes dans la profession. Des modèles de rôle féminins et masculins dans la profession et dans les syndicats jouent un rôle important et nous pouvons réussir si nous unissons nos forces pour permettre à notre profession de prendre les commandes.
Etre enseignant·e et dirigeant·e dans un syndicat d’enseignants s’inscrit dans un dessein plus vaste, qu’il s’agisse de l’égalité des genres, du droit à une éducation ou d’une démocratie durable.
Tout commence par de bon·ne·s enseignant·e·s!
Ce blog fait partie d’une série spéciale publiée à l’occasion de la célébration de la journée internationale des femmes 2019 et qui met en avant les questions de genre et d’éducation, en lien avec le thème et les sous-thèmes du 8èmecongrès mondial de l’Internationale de l’Education qui se tiendra du 19 au 26 juillet 2019 à Bangkok, en Thailande.
Lire le blog précédent de la série: « L’éducation des filles est cruciale: comment vous pouvez contribuer à changer le monde», par Kayce Jennings.
Lire le blog précédent de la série :
Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.