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Photo: SuSanA Alliance / Flickr
Photo: SuSanA Alliance / Flickr

#DUDH70 - « Au Burundi, le syndicat tient ferme dans les épreuves d’atteinte à ses droits », par Rémy Nsengiyumva.

Publié 17 décembre 2018 Mis à jour 17 décembre 2018
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Actif après plus de deux décennies de combat pour les droits socio-professionnels des enseignants du Burundi, le Syndicat des Travailleurs de l’Enseignement du Burundi (STEB) émerge petit à petit du fossé de la crise sociale qui a secoué le pays. A travers des leaders engagés pour l’inversion de la tendance, l’enseignant burundais est fier de renouer avec la confiance en lui et en ses partenaires et se tenir tout droit face à ses droits.

Au milieu du mois de mai 2015, dans rues et avenues de la capitale Bujumbura, la terreur règne. Le coup de force annoncé dans quelques radios de la capitale pendant la mi-journée du 13 mai est vite déjoué par les forces de l’ordre. Les premières heures deviennent difficiles et l’incertitude se répand. La présidente et le trésorier du STEB prennent le chemin de l’exil pour une destination inconnue des membres de la famille syndicale. Sans écho des responsables après plusieurs jours et sans moyens de travail, car les fonds du syndicat gèlent sur le compte, la relève se profile à l’horizon.

Du bureau de crise au dégel des fonds et des activités

Impliqué dans la conspiration des faits, carcan qui lui avait été collé par le parquet général, le syndicat réitère son attachement à ses droits d’existence : « Nous ne sommes pas un parti politique à confondre avec l’origine de la conspiration du moment», le comité de crise a-t-il toujours souligné dans ses correspondances avec les autorités pour clamer son innocence. Le syndicat consiste encore moins en un creuset d’idées pour revendiquer le coup d’état manqué. La force de se faire entendre d’abord, celle de se faire comprendre ensuite, aboutit à une inversion de tendance. Un succès  à mettre au bilan positif de  l’action du bureau de crise mis en place en avril 2016.

Par des lobbies interposés, des pourparlers tous azimuts, on obtient la levée du gel du compte bancaire du syndicat par le parquet en juillet 2016. Le premier congrès d’après la crise inspirant confiance aux autorités de l’Etat est autorisé à se tenir en décembre 2016. Pendant deux jours, les deux cent membres venus des sections syndicales de tout le pays sont convoqués et les délégués parviennent à mettre en place un comité national qui n’a pas tardé à se mettre à l’œuvre pour le relèvement de l’organisation.

Une renaissance difficile dans un engagement sûr.

Les membres se croyaient abandonnés à eux-mêmes. Point de rencontre, point de débat. Le droit du syndicalisme enseignant risquait de céder à la rumeur, à la désinformation et pourquoi pas tendre vers l’oubli : le nouveau comité syndical national du STEB devait prendre le taureau par les cornes. Oser. Passer les ponts et passerelles pour remettre la machine sur les rails.

Des visites de proximités furent organisées. Rétablir le lien enseignant-syndicat pour le bien de l’éducation devint une nécessité morale, un leitmotiv pour s’écarter de la lâcheté.

De l’informel, le nouveau comité est passé à la formation active en matière de droits fondamentaux. Ceux d’appartenir à une association et d’être entendu dans ses revendications. Plusieurs initiatives en cette matière ont été soutenues et encadrées pour renforcer les capacités des membres. Les résultats ne tardent pas à se faire voir. A la fin de l’année 2017, mille nouveaux membres sont comptés comme adhérents au Syndicat des Travailleurs de l’Enseignement du Burundi ressuscité. Un climat de confiance renaît entre le syndicat et ses membres. Une reprise se profile sous forme d’engagement vis-à-vis des autorités comme partenaire au premier rang du système éducatif.

A l’interne, le recrutement et l’encadrement des nouveaux membres continuent. La célébration itinérante en province du 25ème anniversaire (le STEB est né en 1993, pendant les premières heures du pluralisme d’idées en Afrique en général et au Burundi en particulier) marque une étape importante pour le renforcement de la cohésion entre les membres. Les fora d’échanges d’idées et d’expériences, la maîtrise de soi et la formation en matière de droits de l’homme et autres droits connexes renforcent le STEB.

« Syndicalistes ! La lutte continue ! »

Les termes constituent le slogan principal du Syndicat des travailleurs de l’Enseignement du Burundi depuis sa naissance. Certes, plier et ne pas rompre, mais s’engager encore plus, voilà la vision actuelle du syndicat. La reprise du dialogue avec les décideurs a déjà jeté les bases d’une discussion sur la gestion des classes pléthoriques dans les établissements scolaires, l’avancée de la politique salariale consensuelle, la situation de la sécurité sociale de l’enseignant pour ne citer que ces chantiers.

Mais le chemin est encore long : la gestion des mutations qui impactent sur la séparation des membres des ménages des enseignants ; des enseignantes obligées de porter leur bébés au dos en pleine leçon, conséquence de la pauvreté et du non respect du droit à l’heure d’allaitement ; la marchandisation de l’éducation ; la tricherie aux examens d’état Tout cela oblige le STEB à se tenir debout face aux droits de l’éducation et ne pas perdre pied dans toute épreuve qui va à l’encontre de ses droits syndicaux.

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Le 10 décembre 2018 marque le 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits humains (DUDH). En garantissant le droit de former des syndicats, la liberté d’expression et le droit de chacun à une éducation de qualité, cette déclaration continue à être une source d’inspiration pour les enseignant.e.s et syndicalistes du monde entier. Le respect des droits humains requiert une éducation et une lutte permanentes. Pour fêter la DUDH, l’Internationale de l’Education publie une série de blogs où des syndicalistes réfléchissent à leurs combats et leurs réalisations. Ces articles reflètent l’engagement des syndicats de l’éducation, dans toutes les régions et toutes les communautés, pour défendre et faire progresser les droits humains et libertés de chacun.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.