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Accroître les financements pour l’éducation inclusive: un bienfait pour tous, elle le vaut bien!, par Claude Carroué

Publié 3 décembre 2018 Mis à jour 13 décembre 2018
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Des élèves épanouis, qui jouent dans la cour de récréation et se font tourner à tour de rôle sur un siège-toupie, à l’abri de pavillons modulaires qui accueillent aujourd’hui plusieurs classes, en attendant que les nouveaux bâtiments en construction soient opérationnels. A l’école du Bempt, dans la commune de Forest, en région bruxelloise, l’effet dynamique apporté par un projet d’établissement axé sur l’inclusion et l’immersion d’élèves en situation de handicap est vite manifeste!

A l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées, célébrée chaque 3 décembre, je me suis penchée sur le fonctionnement de cette école et sur ses enseignants, entièrement dédiés à faire véritablement du droit à l’éducation un droit garanti pour tous les enfants, comme rappelé dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme et la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant.

« Concernant les enfants ou les jeunes ayant des handicaps, il existe un texte européen qui dit qu’on ne peut pas leur refuser le droit à l’éducation gratuite, en Belgique et dans tous les pays de l’Union européenne », rappelle la Directrice de l’école Sophie Charlez.

Par ailleurs, le Pacte pour un Enseignement d’excellence, actuellement en négociation entre les syndicats et les autorités publiques en Fédération Wallonie-Bruxelles, vise à l’inclusion dans toutes les écoles.

Un projet d’établissement voulu par les éducateurs

Comment aider son équipe pédagogique qui a des élèves en inclusion? En leur mettant du personnel à disposition pour les aider dans leurs tâches quotidiennes, en travaillant en concertation par rapport au bien-être de l’enfant, son évolution, ou encore en tenant des conseils de classe trois fois par ans avec l’école d’enseignement spécialisé, explique Charlez.

« S’il y a un problème, les enseignants viennent et on cherche une solution. On essaye avec les moyens qu’on a à la commune de mettre des choses en place ou de réaménager certaines classes. »

Il s’agit-là des « aménagements raisonnables » qui font maintenant partie de la législation. Ces aménagements ne sont pas que matériels, cela peut aussi être aussi des personnes physiques. A l’école du Bempt, des aménagements ont notamment été effectués pour accueillir les élèves en inclusion, tels des rampes pour rendre des salles de classe et toilettes bien accessibles.

« Après les conseils de classe », ajoute Charlez, « on a un retour à donner aux parents pour leur expliquer ce que l’on met en place, on donne nos observations. Surtout, l’enseignant est là pour indiquer ce que lui vit au quotidien avec l’enfant, et, à ce moment-là, on explique ce qu’on peut mettre en place, ou ce à quoi l’équipe pédagogique réfléchit pour que l’enfant soit mieux intégré dans l’école. »

Une augmentation des moyens financiers nécessaire

Elle regrette cependant que les financements, qui viennent du pouvoir organisateur, à savoir la Commune de Forest, et la Fédération Wallonie-Bruxelles, sont bien insuffisants.

Des moyens financiers insuffisants, voici un obstacle également relevé par Miguel Lopez, enseignant en sciences.  « Ce projet est très beau, mais qu’on nous en donne les moyens! Parce ce qu’en termes d’aide pour les élèves en inclusion, nous n’avons droit qu’à quatre périodes (une période correspond à 50 minutes) sur la semaine, c’est insuffisant! Or, nous voulons les accueillir dans les meilleures conditions possibles, et pour eux, et pour nous. »

Lopez indique que, pour cette année scolaire, « nous avons choisi une logopède pour les deux enfants en inclusion. Pour le troisième, c’est une aide extérieur d’une collègue enseignante. ». L’an passé, c’était une enseignante de l’enseignement spécial qui venait à l’école.

Une seconde logopède vient aussi observer ce que les enseignants de Bempt mettent en place, et leur « donne pas mal de pistes ».

En Belgique francophone, les enseignants sont également soutenus par deux associations qui viennent en aide aux parents qui ont des enfants handicapés, en dehors des heures de cours.

Le rôle des parents: important et complémentaire de celui de l’équipe pédagogique

D’ailleurs, Lopez met l’accent sur le fait que les parents ont un rôle énorme à jouer dans le développement de l’enfant, en accompagnant le travail des enseignants hors du champs scolaire. Pour développer son plein potentiel, l’élève en inclusion, comme celui dit ‘normal’, doit être suivi en permanence, depuis l’école jusqu’au domicile familial.

« Ce qui peut être un frein », Lopez continue, « c’est le nombre d’élèves en intégration dans la même classe. Par choix, on a décidé d’accueillir une année sur deux ‘X’ nombre d’élèves en inclusion au total, pour l’école. Cette année, ils sont trois. »

Il avoue que, « heureusement que nous sommes en pédagogie active, c’est-à-dire que les enfants qui sont en intégration, nous les avons qu’une semaine sur deux. Je crois que c’est une richesse. Mais je crois aussi que si j’avais tous les jours cette enfant en intégration avec mes autres élèves, je ne tiendrais pas le coup. »

Quand est-il de la formation des enseignants? « A la base, chez nous, en Fédération Wallonie-Bruxelles, les études correspondent à trois ans, » détaille Lopez. A la rentrée prochaine, cela va passer à 4 ans.

Il regrette cependant que « dans les études à la haute école, il n’y a aucune partie consacrée à ce projet d’élève en inclusion dans les écoles, donc nous, les enseignants, nous suivons aussi des formations organisées par la Fédération Wallonie-Bruxelles. »

Il poursuit: « Nous avons des échanges avec une école dite d’enseignement spécialisé pour pouvoir avoir des outils à mettre en place, pour avoir des pistes, parce que dans l’équipe de l’école du Bempt, personne ne possède de formation spécifique pour accueillir des élèves handicapés. Grâce aux liens avec l’école d’enseignement spécialisé, on a pu se rendre à tour de rôle une après-midi pour visiter plusieurs classes, voir le fonctionnement, l’aménagement des classes, pour pourvoir adapter des outils à nos élèves en inclusion dans nos classes. »

L’éducation inclusive, un bénéfice pour tous

Alors, l’élève en situation de handicap, un élève comme un autre? « Personnellement », note Lopez, « l’élève en intégration dans ma classe, c’est un élève comme un autre. Je ne le vois pas comme handicapé, tout en sachant qu’il a un retard mental et physique. Par principe, je trouve le mot handicapé péjoratif et quand je parle de l’élève, je dis toujours son prénom, elle est englobée dans la masse de la classe quand on parle de l’évolution pédagogique des élèves. Il fait partie du groupe. »

Il est également catégorique: « L’intégration est bénéfique dans les deux sens, comme je le dis toujours aux parents, que ce soit pour l’élève handicapé ou pour les autres élèves. Il y a des échanges, une relation, une belle évolution à tous niveaux. »

« Les enseignants qui veulent venir travailler dans notre école, étant donné que nous sommes une école qui se construit chaque année, doivent adhérer à ce projet-là d’intégration, sinon on ne les accepte pas », dit-il. « Et certains veulent venir dans notre école entre autres pour ce projet, y sont intéressés », avance-t-il, non sans une certaine fierté dans la voix.

Répétant que « c’est un très beau projet, mais encore une fois, avec un manque de moyens », Lopez rapporte que « les conditions de travail, par rapport au nombre d’élèves, importent aussi. Par exemple, cette année, ma collègue et moi, pour les apprentissages, nous n’avons que 16 élèves, donc c’est le paradis, mais ce n’est pas la réalité des autres écoles. Donc c’est une chance incroyable que nous avons, et ça joue dans l’évolution de notre élève qui est en intégration. »

Les syndicats peuvent aider à l’inclusion des élèves en situation de handicap

Il observe d’autre part que, pour la majorité des enseignants dans l’école du Bempt qui est  syndiquée, se battre pour avoir de bonnes conditions de travail représente l’un des principaux rôles des syndicats.

Cet affilié de la Centrale générale des services publics–Enseignement (CGSP-Enseignement), une organisation membre de l’Internationale de l’Education, estime aussi que les syndicats, afin de soutenir l’inclusion et l’éducation des enfants en situation de handicap, doivent « faire prendre conscience de la situation à nos ministres et fonctionnaires qui décident des restrictions budgétaires, et leur proposer de venir plus souvent sur le terrain et de se rendre compte de la réalité de tous les jours. »

Egalement, pour lui, le syndicat peut être vigilant dans l’application du projet d’établissement dans lequel est bien noté le plan d’inclusion ou d’intégration. « Je pense que c’est son rôle, parce que l’an passé, nous avions une autre direction qui a mis des freins à ce projet. Heureusement que nous, équipe enseignante, nous nous sommes battus et n’avons jamais cédé. Ici, c’est une nouvelle direction, et, dès le départ, elle savait qu’il y avait ce projet, et il n’y a pas d’autre choix. »

L’IE et ses affiliés mobilisés

De leur côté, l’IE et ses affiliés agissent partout dans le monde pour assurer le droit à l’éducation pour tous, y compris les enfants handicapés, et favoriser l’emploi d’éducateurs en situation de handicap.

La Résolution sur les droits des enfants et des enseignant(e)s handicapé(e)s, adoptée en 2015 au 7e Congrès mondial de l’Internationale de l’Education, « s’inquiète que, durant les 15 dernières années principalement, l’accent mis sur l’Education pour Tous n’ait généralement pas permis de mettre en place les mesures spécifiques nécessaires pour inclure tous les enfants handicapés dans l’éducation. Ces mesures comprennent l’accès, des aménagements raisonnables, un soutien personnel, une différentiation de l’enseignement et de l’apprentissage, une évaluation souple, l’égalité pour les handicapé(e)s, la lutte contre les attitudes hostiles à l’égard des handicapé(e)s et le harcèlement, l’établissement de relations et le renforcement de l’estime de soi, et l’accès, par exemple, au braille et à la langue des signes. Il est également essentiel que davantage d’enseignant(e)s handicapé(e)s soient employé(e)s dans le système éducatif. »

Le texte condamne le fait que « les enfants handicapés sont souvent ‘laissés pour compte’ dans les campagnes de plaidoyer en faveur de la lecture, de l’écriture et du calcul, de l’éducation dans les situations d’urgence, de l’éducation des filles, du financement de l’éducation, de la formation professionnelle, etc. »

Par conséquent, le Congrès de l’IE a mandaté le Bureau exécutif de celle-ci pour « redoubler d’efforts pour assurer la scolarisation de tous les enfants dans le monde entier, notamment les enfants handicapés, la réussite de leurs études primaires et une hausse considérable du nombre d’enfants poursuivant leur scolarité dans l’enseignement secondaire, supérieur, la formation continue et/ou au travers de programmes communautaires ou d’aide à la vie autonome; et promouvoir activement le recrutement et l’embauche d’enseignant(e)s handicapé(e)s et encourager la recherche sur la situation des enseignant(e)s handicapé(e)s à l’échelle mondiale. »

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.