L’Internationale de l’Education a soulevé un grand nombre de questions liées à la condition de la profession enseignante avec le Comité conjoint OIT/UNESCO d’experts sur l’application des recommandations concernant le personnel enseignant.
L’Internationale de l’Education (IE) a demandé que soit examinée l’extension du mandat du Comité conjoint Organisation internationale du Travail (OIT)/UNESCO d’experts sur l’application des recommandations concernant le personnel enseignant ( CEART) afin qu’il couvre également le personnel d’éducation de la petite enfance.
La Secrétaire générale adjointe de l’IE, Haldis Holst, a rencontré les membres du CEART, qui se réunissent tous les trois ans à Genève. Elle a évoqué diverses préoccupations de l’IE concernant la condition de la profession enseignante, dont elle a indiqué qu’elle était mise en mal dans de nombreux pays.
Elle a souligné que les deux recommandations datant de 1966 (K-12) et de 1997 (enseignement supérieur) sont « plus pertinentes que jamais ». Holst a déclaré qu’elles guident toujours la profession et sont essentielles à la réalisation de l’Objectif de développement durable n° 4. Elle a également insisté sur leur importance compte tenu de la mission générale de l’éducation, qui dépasse les compétences d’employabilité et constitue « une pierre angulaire de la démocratie et des droits humains ». La mission de l’éducation, a-t-elle dit, est de « développer l’ensemble de la personnalité et de promouvoir une pensée critique, la coexistence pacifique et l’équité ».
L’IE a remis aux expert(e)s un document intitulé « Education International Submission to CEART 2018», qui repose en partie sur l’ enquête(en anglais) réalisée par l’IE auprès de ses organisations membres sur la condition des enseignant(e)s. Le Secrétaire général de l’IE, David Edwards, dans son introduction au document, déclare que l’IE continue « d’œuvrer pour offrir une éducation réelle, du type de celle qui construit des vies et les rend meilleures, plus intéressantes et plus gratifiantes… ».
Démocratie
Le rapport exprime les préoccupations concernant la détérioration de la démocratie dans bon nombre de pays et réaffirme l’importance de la condition du personnel enseignant dans la restauration du soutien aux valeurs et pratiques démocratiques. Il présente les grands défis que doit relever l’éducation pour la démocratie:
· « mettre davantage l’accent sur la compréhension des valeurs universelles »;
· « enseigner la pensée critique de sorte que les étudiant(e)s soient en mesure de traiter le déluge d’informations qui les assaille, notamment distinguer les faits des opinions »; et
· « développer des compétences et des aptitudes de citoyenneté active afin de les rendre capables d’écouter, d’argumenter et de forger leur avenir ».
Une section du rapport traite des restrictions et des attaques menées contre la liberté académique et l’autonomie professionnelle en provenance non seulement des gouvernements, mais également d’acteurs « non étatiques », notamment des groupes communautaires, des extrémistes et, parfois, des parents et des communautés. Dans un grand nombre de pays, les libertés académiques peut aussi être compromise par la dépendance croissante des universités vis-à-vis du financement provenant des entreprises.
Bien-être des enseignant(e)s/travail précaire
Selon le rapport, le stress lié au travail est une menace croissante pour la santé des travailleurs/euses de l’éducation tout autant que pour celle des étudiant(e)s et doit être traité sérieusement. Le rapport souligne toutefois que « le stress n’est pas inévitable pour le personnel enseignant. Dans un environnement adéquat, l’enseignement est une profession extrêmement satisfaisante. Que peut-il y avoir de plus gratifiant que de faire la différence pour un enfant en renforçant sa compréhension, ses compétences sociales et son développement? » Les mesures qui circonscrivent et inversent la déprofessionnalisation et d’autres risques de stress contribueront au recrutement et à la rétention des enseignant(e)s.
Le stress provient également de la prévalence croissante du travail précaire, en particulier dans les universités. Les contrats à durée déterminée, l’exploitation d’étudiant(e)s diplômé(e)s et d’autres formes d’emploi instable sont des problèmes liés au statut du personnel enseignant et peuvent compromettre l’autonomie des éducateurs/trices, notamment en portant atteinte à l’exercice des libertés académiques et de la gouvernance collégiale. Ces facteurs compromettent également la qualité de l’éducation.
Questions professionnelles
Le document insiste également sur l’impact des prétendues réformes de l’éducation, qui sapent souvent les dispositions des deux recommandations dont l’application est contrôlée par le CEART. Ces réformes, qui utilisent des modèles d’entreprise pour mesurer et, ensuite, restreindre l’éducation, n’ont pas seulement réduit la capacité des écoles à développer « l’enfant dans sa globalité », mais ont également limité l’autonomie professionnelle, n’ont pas investi dans le perfectionnement professionnel, ne voient pas la nécessité du temps de soutien et de préparation et grignotent l’enseignement public en favorisant la privatisation et les partenariats public-privé.
Le rapport distingue également la « responsabilisation » du personnel enseignant, notamment en jugeant les performances des enseignant(e)s par le biais des résultats à des épreuves standardisées, du concept et du mandat de la profession enseignante énoncés dans les recommandations. Protéger la profession et faire entendre la voix des enseignant(e)s exigent également d’améliorer la quantité et la qualité du dialogue social.
Droits syndicaux
Le rapport a attiré l’attention sur la forme persistante et la plus brutale de suppression de la voix et des droits des travailleurs/euses de l’éducation, en les privant de leurs droits humains fondamentaux de constituer des syndicats et de participer à des négociations collectives. Il a mis en lumière la répression extrême que subissent les syndicats de l’éducation en Iran et en Turquie, par exemple.
Dans de nombreux pays, il existe des limites à la portée des négociations, des interdictions de grève et d’autres restrictions. Souvent celles-ci peuvent, entre autres choses, rendre difficile la participation des enseignant(e)s à l’évolution de leur profession et limiter leur influence sur la politique de l’éducation.
Education de la petite enfance
Juste avant la réunion précédente du CEART (2015), une réunion d’expert(e)s avait approuvé des directivessur la promotion du travail décent pour le personnel de l’éducation de la petite enfance. Les experts suggéraient que l’OIT et l’UNESCO envisagent de confier au CEART la supervision de l’application de ces principes directeurs.
Le groupe de travail de l’IE sur l’éducation de la petite enfance, réuni le 26 septembre à Nairobi, a recommandé au Bureau exécutif que l’OIT et l’UNESCO « incluent les directives politiques dans le mécanisme de contrôle du CEART et demandent à l’OIT d’organiser des ateliers régionaux pour leur promotion ». Le document de l’IE remis au CEART rappelle aux membres de celui-ci la proposition issue de la réunion d’experts de l’OIT et suggère qu’il conviendrait d’envisager sérieusement cet élargissement du mandat du CEART.