De nombreux pays sont confrontés à d’énormes problèmes pour recruter des enseignant(e)s pour travailler dans les écoles, les collèges et les universités et pour créer des conditions de travail qui les retiennent. Des études montrent également que le personnel enseignant a rarement accès aux formations professionnelles de haute qualité nécessaires pour être efficaces dans son travail comme il le souhaiterait.
Nous avons réalisé notre étude dans le cadre du projet du Comité syndical européen de l’éducation (CSEE) intitulé « Syndicats de l’enseignement pour la profession enseignante: Renforcer la capacité des syndicats de l’enseignement à représenter les besoins professionnels du personnel enseignant dans le dialogue social » cofinancé par la Commission européenne. Dans ce document, nous soutenons que la négligence des besoins professionnels du personnel enseignant est une question syndicale, et que les syndicats de l’enseignement jouent déjà un rôle clé en aidant à répondre aux besoins professionnels du personnel enseignant.
Malgré la reconnaissance généralisée de l’importance et des avantages du perfectionnement professionnel du personnel enseignant, la réalité de terrain est beaucoup trop souvent négative. Notre étude a permis d’identifier deux explications:
- Un accès limité: le personnel enseignant a souvent un accès limité au perfectionnement professionnel (PP). Il dispose rarement de garanties contractuelles qui lui garantissent l’accès au PP et les enseignant(e)s sont souvent obligé(e)s de suivre des cours de PP en dehors de leur temps de travail et/ou à leurs propres frais.
- Une mauvaise qualité, le personnel enseignant signale également que lorsque le PP est disponible, il est souvent de mauvaise qualité ou inapproprié. Le perfectionnement professionnel est souvent « dispensé » au personnel enseignant pour les aider à atteindre les objectifs imposés par l’administration centrale. Les professionnel(le)s de l’éducation estiment qu’ils/elles ont peu de contrôle sur l’identification et la satisfaction de leurs propres besoins professionnels. Plutôt que d’appuyer le développement de compétences importantes, le perfectionnement professionnel est souvent perçu par le personnel enseignant comme une déqualification.
Notre étude, menée avec les syndicats de l’enseignement à travers l’Europe (au sein de l’Union européenne et au-delà), a montré que les syndicats ont un rôle clé à jouer dans la résolution des problèmes d’accès limité et de mauvaise qualité identifiés ci-dessus. L’étude a révélé cinq grandes stratégies adoptées par les syndicats de l’enseignement. Celles-ci ne sont pas mutuellement exclusives et de nombreux syndicats utilisent plusieurs, et parfois toutes les stratégies. Elles sont proposées comme approches possibles pour les syndicats de l’enseignement, en fonction du contexte et des circonstances.
Répondre aux besoins professionnels du personnel enseignant: cinq stratégies syndicales
- Elaboration d’un programme de négociation élargi: l’importance du dialogue social. L’intégration des questions professionnelles dans les processus de dialogue social, y compris la négociation collective, garantit que le personnel enseignant dispose d’une véritable voix indépendante pour le représenter et que les sauvegardes contractuelles intègrent et protègent les droits du personnel enseignant au perfectionnement professionnel. Les questions professionnelles sont des questions de négociation.
- Répondre aux besoins professionnels du personnel enseignant: former le personnel enseignant. Les syndicats de l’enseignement jouent un rôle clé pour assurer l’accès du personnel enseignant au perfectionnement professionnel en leur offrant directement des possibilités d’apprentissage professionnel de façon indépendante ou en partenariat avec d’autres organisations. Dans le rapport complet, nous donnons de nombreux exemples de la façon dont les syndicats de l’enseignement s’engagent à offrir directement à leurs membres un perfectionnement professionnel de grande valeur et de grande qualité.
- Faciliter l’auto-organisation. L’engagement dans les besoins professionnels des enseignant(e)s ouvre des possibilités d’auto-organisation auxquelles les membres du syndicat travaillent pour identifier et répondre à leurs propres besoins professionnels. Ce travail est basé sur les principes syndicaux traditionnels de l’auto-organisation des travailleurs/euses et comprend, par exemple, les membres du syndicat qui organisent leur propre développement professionnel, les « TeachMeets » et les groupes de lecture. De telles approches offrent une alternative aux modèles de perfectionnement professionnel « descendants » et donnent aux enseignant(e)s la propriété et le contrôle de leur propre perfectionnement professionnel.
- Façonner le discours sur la qualité de l’éducation et le soutien aux professionnel(le)s de l’éducation. Les syndicats de l’enseignement agissent en tant que défenseurs d’une éducation de qualité et de l’investissement dans l’éducation en tant que bien public. Ce travail joue un rôle essentiel dans l’élaboration de l’histoire de l’enseignement public et peut aider à faire évoluer la réflexion populaire sur l’investissement dans les ressources nécessaires pour résoudre les problèmes identifiés dans notre rapport.
- Construire des alliances et développer des partenariats. Les syndicats de l’enseignement travaillent avec un large éventail d’organismes gouvernementaux et non gouvernementaux pour s’assurer que les besoins professionnels des enseignant(e)s sont pris en compte. Dans le rapport, nous donnons de nombreux exemples de la façon dont les syndicats de l’enseignement travaillent avec les fédérations syndicales, les universités, les instituts de recherche et de pédagogie spécialisés, les ministères et les organisations de la société civile afin de répondre plus efficacement aux besoins professionnels du personnel enseignant. Plusieurs syndicats utilisent efficacement les fonds de l’Union européenne lorsqu’ils sont disponibles.
Syndicats de l’enseignement: parler au nom des enseignant(e)s sur tous les aspects de leur travail
Il est parfois dit que les questions dites « professionnelles » ne devraient pas concerner les syndicats de l’enseignement, leur intérêt devant se concentrer sur les sujets concernant la rémunération et les conditions de travail. Une telle distinction entre les aspects « professionnels » et « industriels » du travail du personnel enseignant est non seulement inutile, mais aussi préjudiciable. Un(e) enseignant(e) n’est pas un professionnel(le) ou un(e) travailleur/euse, et il/elle n’est pas non plus un(e) professionnel(le) à un moment donné et un(e) travailleur/euse à un autre moment. Il/Elle est toujours les deux, simultanément. Les questions de rémunération, de rendement, de charge de travail et de perfectionnement professionnel sont indivisibles. Si un(e) enseignant(e) est désavantagé(e) dans un aspect de son travail, il est alors plus difficile de faire des progrès dans un autre domaine.
Le personnel enseignant, en tant que travailleur et professionnel, souhaite exercer une influence et un contrôle significatifs sur l’ensemble de son travail. Le personnel enseignant veut disposer de l’espace, de l’autonomie et de la confiance nécessaires pour exercer son jugement professionnel indépendant dans un cadre de responsabilisation approprié et proportionné. Cela exige nécessairement des conditions de travail appropriées avec suffisamment de temps et de ressources pour réaliser le travail. Il faut aussi que les enseignant(e)s aient l’expertise professionnelle et le sens de l’agence collective pour être en mesure de défendre ce qu’ils/elles croient être dans le meilleur intérêt de leurs étudiant(e)s.
Les syndicats de l’enseignement sont les seules organisations, collectives, indépendantes et démocratiques, qui peuvent représenter la voix du personnel enseignant dans tous les aspects de son travail. Notre rapport montre les diverses manières dont les syndicats de l’enseignement à travers l’Europe travaillent déjà pour soutenir le personnel enseignant dans tous les aspects de son travail, souvent dans des circonstances très difficiles. Une telle action est vitale si nous souhaitons que les systèmes éducatifs publics soient en mesure de répondre efficacement aux énormes défis auxquels l’Europe est actuellement confrontée, mais aussi d’autres pays. Le rapport conclut également que si les enseignant(e)s veulent apporter des améliorations dans n’importe quel aspect de leur travail, alors s’organiser collectivement avec leurs collègues par l’intermédiaire de leur syndicat est le moyen le plus efficace d’apporter de réels changements et d’avancer. Dans les moments difficiles, il n’y a pas de substitut pour travailler ensemble et s’organiser: les syndicats de l’enseignement fournissent l’espace pour une telle action.
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