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#IE25: Faire la différence dans un monde différent, par Davanand Sinanan (TTUTA, Trinité-et-Tobago)

Publié 2 mai 2018 Mis à jour 4 mars 2022
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Rares sont ceux qui contesteraient que les technologies de la communication associées à l’évolution de la situation géopolitique auront permis de transformer notre monde de façon significative au cours de ces dix dernières années. La plupart d’entre nous semblent pris(es) au dépourvu face aux rapides mutations qui modifient notre quotidien et ont du mal à s’y adapter. Très peu d’analystes ont été capables de prévoir les transformations à venir ainsi que la vitesse à laquelle celles-ci modifieraient notre monde - et encore moins parmi le personnel du secteur de l’éducation. Nous, les enseignant(e)s, sommes avant tout responsables de préparer les enfants à leur vie future - un avenir que nous façonnons mais que nous ne pouvons prédire.

La montée rapide de l’extrémisme, facilitée par l’utilisation des technologies de communication de masse, est tout à coup devenue une réalité. Ceux et celles qui, par le passé, ont adhéré aux mouvements extrémistes peuvent aujourd’hui facilement communiquer leurs idées à des millions de personnes partout dans le monde en un temps record. Les haines et les peurs silencieuses enfouies au fond des individus peuvent désormais trouver un écho à travers le monde auprès d’autres personnes partageant les mêmes idées - avec une redoutable efficacité. Auparavant, les gens hésitaient à faire valoir leurs idées racistes, la xénophobie, le fascisme, l’intolérance religieuse, la bigoterie et l’homophobie. Aujourd’hui, ces idées peuvent être communiquées ouvertement sous le couvert de l’anonymat.

Conséquence, plusieurs responsables politiques mondiaux/ales, armé(e)s de leurs idées extrémistes, parviennent aujourd’hui à se hisser jusqu’aux plus hauts échelons du pouvoir. Ces dirigeant(e)s commencent alors à défendre des points de vue considérés, il y a peu encore, comme l’antithèse même des principes fondamentaux de la démocratie permettant de créer une société juste et bonne. D’un coup, les institutions démocratiques et les droits sont mis sous une intense pression, tandis que sont remises en question des libertés considérées comme acquises. Les dirigeant(e)s totalitaires exerçant leur pouvoir absolu menacent de mener des luttes sanglantes en vue de reprendre le contrôle des régions occupées par leurs opposant(e)s.

Les enseignant(e)s sont aujourd’hui enlisé(e)s dans un marasme géopolitique, se préparant à survivre dans un monde où la pensée critique demeure l’arme la plus efficace pour lutter contre la prolifération de l’extrémisme et les pouvoirs dictatoriaux. La désinformation est l’instrument privilégié pour empêcher de distinguer la limite entre les faits et la réalité. Tests normalisés, privatisation de l’éducation et diabolisation des syndicats d’enseignants occupent, de près, la deuxième position parmi les armes visant la subversion de la démocratie.

Nous ne pouvons plus faire confiance ni aux médias et ni au système judiciaire pour être les premiers défenseurs de la démocratie. Aux principes démocratiques de justice, d’équité, d’égalité, de justice sociale et de respect se substituent la haine, la bigoterie, la cupidité, l’individualisme et l’égoïsme, parce qu’un trop grand nombre d’entre nous ont considéré la démocratie comme acquise. Nous avons renoncé à notre responsabilité sociale qui consiste à défendre fièrement la démocratie et ses institutions. Nous avons permis aux idées minoritaires de gagner du terrain, profitant de notre complaisance. Les classes ne sont plus les lieux où les jeunes acquièrent les connaissances, les compétences et les aptitudes qui leur sont nécessaires pour monter la garde et défendre les principes démocratiques de l’humanité, acquis au cours de plusieurs siècles de luttes sanglantes.

Nos responsabilités ont été redéfinies pour nous dans ce nouvel ordre mondial. Nous ne pouvons plus nous contenter d’enseigner un programme académique. Notre rôle consiste aussi à promouvoir et à diffuser les droits humains et la démocratie, en tant que priorités fondamentales. En somme, notre mission consiste à former des êtres humains dignes et respectueux et à édifier une société juste et équitable. Nous devons être en mesure d’exercer notre esprit critique, d’analyser et d’évaluer, et être suffisamment courageux/euses pour rejeter toute forme d’extrémisme de droite. Les écoles et l’enseignement qui y est dispensé doivent avoir une portée et des objectifs plus larges. Leur mission doit être replacée dans le contexte du nouvel ordre mondial, qui menace de ramener la société moderne à l’époque des dirigeant(e)s et monarques, où le capital humain était une propriété détenue et exploitée par certain(e)s pour exprimer leur pouvoir absolu. Le défi nous a été lancé à nous, les enseignant(e)s, de promouvoir et défendre la démocratie comme jamais auparavant.

Les philosophies enseignées aujourd’hui dans les écoles se refléteront dans les structures de gouvernance de demain. Notre capacité à adapter rapidement nos différents rôles à ce nouveau paradigme et celle à adopter une position offensive au travers de notre syndicat détermineront la mesure dans laquelle nous pourrons sauver notre société des convoitises des dictateurs et autres démagogues. Nos syndicats doivent recevoir tout le soutien dont ils ont besoin pour mener ce combat. Nous devons discuter entre nous des menaces croissantes qui pèsent sur la démocratie partout autour de nous, en reconnaissant que nous ne vivons pas dans l’isolement mais que nous faisons partie d’un village mondial.

Engagement et inclusion ne sont plus une option, mais une obligation. Le monstre est déjà à nos portes, prêt à phagocyter nos sociétés, qui se complaisent quelquefois à vivre dans une ignorance proche de la béatitude, marquée par la complaisance ou l’abandon des responsabilités civiques. Heureusement, l’IE mène une lutte courageuse à l’échelle mondiale, partout où les syndicats et la démocratie sont menacés. L’IE et ses affiliés à travers le monde doivent continuer à s’exprimer d’une seule voix et envoyer un message fort pour rappeler que nous, les enseignant(e)s, poursuivrons notre combat avec cette arme que représente l’éducation - une arme que nous continuerons à brandir et que jamais nous ne déposerons. En solidarité, nous devons toutes et tous nous mobiliser pour défendre nos droits et nos libertés.

NB : ce billet de blog est inspiré d’un article publié initialement dans le Trinidad & Tobago Newsday. Republié avec autorisation.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.