L’Internationale de l’Education a relayé la voix des enseignant(e)s à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, en demandant instamment d’élargir l’accès au matériel pédagogique et de renforcer les exceptions au droit d’auteur pour l’éducation.
Du 13 au 17 novembre, les discussions de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) se sont poursuivies lors de la 35e session du Comité permanent du droit d’auteur et des droits connexes (SCCR), réuni à Genève.
Législation inefficace en matière de droit d’auteur
Les représentant(e)s del’Internationale de l’Education (IE) participant au débat sur le droit d’auteur et l’éducation dans l’environnement numérique ont souligné les multiples opportunités que peuvent offrir les technologies numériques aux établissements scolaires. Il s’agit notamment de garantir aux enseignant(e)s et au personnel de soutien à l’éducation un accès aux ressources et au matériel éducatifs ouverts, tels que les vidéos et les images.
L’IE a mis en avant que, dans un même temps, une infrastructure technologique peut favoriser la collaboration et les échanges au sein des établissements scolaires et au-delà. Toutefois, l’accès aux ressources telles que les vidéos et les images reste souvent limité, étant donné que les législations nationales en matière de droit d’auteur ne prévoient aucune exception permettant aux enseignant(e)s d’y accéder. Par ailleurs, les lois relatives au droit d’auteur varient d’un pays à l’autre, rendant difficile l’harmonisation des initiatives, sachant que certains d’entre eux y autorisent l’accès, d’autres non.
Pour l’heure, les législations en la matière se révèlent le plus souvent inefficaces, constate l’IE. Si les mécanismes de contrôle et de mise en application ne cessent de se développer, ce sont souvent les pressions exercées par les éditeurs/trices qui orientent principalement les discussions au niveau national et mondial. L’IE a souligné l’importance de consulter les parties prenantes de l’éducation, comme les syndicats d’enseignants et de l’éducation, ainsi que d’autres acteurs de la société civile, dans le cadre de l’élaboration des lois en matière de droit d’auteur.
Aligner les initiatives des agences des Nations Unies
Dans une déclaration portant sur le SCCR, l’IE souligne la nécessité pour l’ensemble des agences des Nations Unies d’aligner leurs efforts en vue de la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD). Il s’agit notamment de permettre à des enseignant(e)s qualifié(e)s et formé(e)s de pouvoir accéder sans obstacle aux livres, au matériel pédagogique et aux ressources éducatives ouvertes. Un trop grand nombre d’enseignant(e)s, chercheurs/euses et étudiant(e)s ne peuvent accéder de manière abordable au matériel qui leur est nécessaire pour assurer une éducation de qualité.
L’IE estime que l’OMPI, en tant qu’agence spécialisée des Nations Unies, a un rôle important à jouer dans la réalisation de l’ODD 4 en particulier. L’agence peut y contribuer au travers des travaux en lien avec les limitations et les exceptions que mène ce comité et en envisageant un instrument juridique international pertinent en la matière pour les utilisations à des fins éducatives, garant de l’équilibre entre les droits des utilisateurs/trices et ceux des créateurs/trices dans le cadre d’un usage à des fins non commerciales, pédagogiques et de recherche. Cette demande est formulée par un grand nombre de gouvernements dans les pays en développement, où les établissements scolaires n’ont qu’un accès limité à ce type de matériel. Paradoxalement, au niveau international, les Etats de l’Union européenne (UE), et d’autres pays prévoyant des exceptions obligatoires, s’opposent à la demande des pays en développement d’établir des normes internationales minimales.
La voix de la profession doit être entendue
Il sera essentiel d’impliquer les parties prenantes de l’éducation comme les syndicats d’enseignants et de l’éducation, les étudiant(e)s, les chercheurs/euses et les différents acteurs de la société civile. Un processus inclusif et transparent permettra non seulement de contribuer à la définition d’un cadre international pertinent pour l’éducation, mais également d’offrir toutes les garanties en termes de propriété et d’accroître les chances de réussite de sa mise en œuvre au niveau national.
Régimes restrictifs en matière de droit d’auteur
Le Professeur Daniel Seng a mené une étude financée par l’OMPI sur les limitations et les exceptions au droit d’auteur pour l’éducation. Cette étude transfrontalière compare les législations en matière de droit d’auteur dans l’ensemble des Etats membres de l’OMPI. Celle-ci montre que bon nombre de cadres juridiques ne sont pas adaptés à l’ère numérique, où enseignant(e)s, chercheurs/euses et étudiant(e)s utilisent un volume toujours plus important de matériel numérique et travaillent en collaboration au-delà des frontières.
Cette recherche révèle, entre autres, que 60 % des Etats membres de l’OMPI ne prévoient aucune flexibilité en ce qui concerne le contournement des mesures techniques de protection/informations sur le régime des droits. Cette situation demeure préoccupante dans la mesure où une étude publiée récemment par la Commission de l’UE montre qu’il s’agit du plus grand obstacle pour les utilisateurs/trices de travaux numériques dans le cadre de l’éducation. Un autre exemple fourni par l’étude montre que l’adaptation des œuvres littéraires théâtrales à des fins de présentation dans le cadre scolaire reste interdite dans la majorité des Etats membres de l’OMPI.
Besoin de mobilisation
Malgré la prise de conscience de la nécessité d’agir, le SCCR n’a pas pu aboutir à un accord concernant un projet de plan d’action destiné à faire avancer le programme de l’éducation, les pays industrialisés étant opposés à un programme normalisé pour ce secteur. Un nouveau projet de plan d’action sera examiné l’an prochain et l’IE souligne avec insistance l’importance de déployer des efforts conjoints pour faire pression sur les gouvernements en vue de son adoption. Transparence et inclusivité devront être les piliers de ce nouveau plan d’action, lequel devrait permettre d’élargir l’accès à des ressources abordables et de lever une partie des obstacles à la collaboration transfrontalière dans le domaine de l’éducation.