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Récession, reprise et changement de régime : impact sur la pauvreté infantile en Hongrie

Publié 20 septembre 2017 Mis à jour 25 septembre 2017
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Le bien-être relatif des enfants est en principe lié, d’une part, à une combinaison de facteurs socio-économiques (cycles commerciaux, tendances démographiques, etc.) et, d’autre part, aux réponses apportées par les responsables politiques. Lorsque les paradigmes des politiques changent (les régimes politiques eux-mêmes), la situation se complexifie. C’est exactement ce qui s’est produit en Hongrie entre 2007 et 2014.

Un nouvel ouvrage Children of Austerity: Impact of the Great Recession on child poverty in rich countries(les enfants de l’austérité : impact de la Grande Récession sur la pauvreté infantile dans les pays riches), publié par le Centre de recherche Innocenti de l’UNICEF, présente un bilan détaillé des effets de la crise sur les enfants dans les pays à revenu élevé. La sélection de pays faisant l’objet de l’étude (Belgique, Allemagne, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Japon, Espagne, Suède, Royaume-Uni et Etats-Unis) offre un aperçu complet de la situation avant la crise, de la gravité de ses conséquences aux niveaux nationaux et des réponses politiques apportées par chacun des pays.

L’ouvrage (Cantillon et al, 2017) souligne que la Grande Récession a eu des conséquences sévères sur les enfants partout en Europe. La vulnérabilité matérielle des familles avec enfants s’est accrue et la pauvreté infantile a atteint des taux record dans la majorité des Etats membres. Les paramètres varient toutefois d’un pays à l’autre lorsque l’on observe les caractéristiques de l’impact de la crise sur les enfants ou la réponse des Etats confrontés à une situation dramatique au niveau national.

S’agissant de la Hongrie, l’histoire commence par un paradoxe évident : depuis le début des années 1990, les familles avec enfants sont plus exposées au risque de pauvreté que le reste de la population, malgré les budgets plus importants réservés aux allocations familiales par rapport aux autres pays, les nombreuses formes de soutien accordées traditionnellement aux familles et l’octroi d’avantages financiers hautement efficaces pour réduire la pauvreté. L’impossibilité relative des politiques d’améliorer la protection des enfants est en partie imputable au nombre d’enfants généralement élevé dans les ménages où l’intensité du travail est très faible en raison du déficit éducatif des générations précédentes, du cercle vicieux potentiel de l’inactivité et des effets « délibérément » dissuasifs des politiques.

La période de crise a accentué le risque de paupérisation des enfants, pour lesquels le taux de pauvreté a connu une augmentation plus importante par rapport au reste de la population et par rapport aux taux de pauvreté infantile enregistrés dans les autres Etats membres. Selon les données TÁRKI, un enfant sur six vivait dans une famille à faible revenu en 2007 juste avant le début de la crise - un enfant sur quatre au plus fort de la crise (une reprise a suivi la période post-crise, avec une baisse de deux points de pourcentage pour le taux de pauvreté en 2014). La dégradation de la situation des enfants entre 2007 et 2012 est d’autant plus manifeste lorsque l’on examine les indicateurs mesurant les normes de vie absolues (mesurées sur la base des taux de pauvreté « ancrée » ou des taux de privation matérielle) plutôt que relatives (mise en lumière des écarts de revenus). Par ailleurs, les enfants appartenant déjà à des groupes fortement exposés à la pauvreté (en particulier ceux dont les parents et la famille sont peu éduqués et peu intégrés au marché du travail) figurent parmi les populations les plus touchées par la crise en termes de pauvreté des revenus.

Afin de mieux comprendre le rôle des politiques dans les situations amenant à la pauvreté présentées ci-avant, il importe de prendre en compte, d’une part, les aspects spécifiques à la crise économique et financière hongroise et, d’autre part, le basculement radical observé dans le régime politique social après la victoire écrasante du gouvernement conservateur au printemps 2010.

Même avant le début de la Grande Récession, la situation était caractérisée en Hongrie par la spirale « déséquilibres macroéconomiques - coupes budgétaires - accroissement de la pauvreté ». Les programmes de mise au travail, les conditionnalités et les politiques d’activation (si importantes dans un pays souffrant d’une activité économique extrêmement faible depuis le début des années 1990) ont vu le jour avant même le revirement politique majeur de 2010. Ces différents volets ont toutefois été placés au centre de la politique sociale à l’arrivée au pouvoir du gouvernement conservateur : la quasi-totalité des composantes du système social, y compris le système élargi et complexe de soutien dont bénéficient traditionnellement les familles, ont été concernés par ce revirement (politiques d’activation des personnes inactives, coupes drastiques dans le système d’aide sociale, renforcement des conditionnalités à de nombreux niveaux de l’éducation et des politiques sociales, transformation des avantages financiers en allègements fiscaux, etc. (voir Tableau 6.1 dans Gábos et Tóth, 2017).

L’augmentation de la pauvreté infantile durant la première phase de la crise (2007-2010) est la conséquence des processus du marché du travail. Le nombre d’enfants issus de ménages où l’intensité du travail est très faible a augmenté, tandis que les stabilisateurs automatiques - affaiblis mais toujours opérationnels - ont réduit l’amplitude de ces effets. En contrepoint, au cours de la seconde phase (2010-2013), les principales composantes du nouveau régime ont eu un impact : les processus du marché du travail ont commencé à s’améliorer (bien que principalement au travers de moyens politiques controversés, comme les travaux publics ou la migration extérieure) et les franges de la population (y compris les familles avec enfants) où l’intensité du travail est très faible ont considérablement diminué, tandis que l’effet des avantages financiers sur la réduction de la pauvreté a commencé à s’amenuiser en raison du glissement vers un régime politique social régressif. Il importe de souligner que la diminution des effets des avantages sociaux sur la réduction de la pauvreté a été observée dans le contexte de la diminution des taux de pauvreté avant le transfert de pouvoir (reflétant une nouvelle fois une amélioration de l’emploi et une baisse du nombre d’enfants appartenant à des familles où l’intensité du travail est faible).

Plus récemment, selon les données TÁRKI et Eurostat, plusieurs signes laissent entrevoir une diminution des taux de pauvreté, en particulier parmi les enfants mais aussi au sein de la population en général. Il est cependant nécessaire de comprendre en profondeur les évolutions récentes de la situation avant de pouvoir faire une quelconque prévision quant à l’avenir à long terme.

Références

Cantillon, B., Y. Chzhen, S. Handa, B. Nolan (eds., 2017). Children of Austerity: Impact of the Great Recession on Child Poverty in Rich Countries. Oxford University Press.

Gábos, A. - I. Gy. Tóth 2017. Recession, Recovery, and Regime Change: Effects on Child Poverty In: Cantillon et al. (eds., 2017). Children of Austerity: Impact of the Great Recession on Child Poverty in Rich Countries. Oxford University Press. pp 118-145.

Le contenu et les avis exprimés dans ce blog sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement la position officielle de l’Internationale de l’Education.