Les centrales syndicales auxquelles appartiennent les syndicats de l’éducation membres de l’Internationale de l’Education ont fortement critiqué la volonté affichée par le gouvernement français de rétablir le jour de carence dans la fonction publique en cas d'arrêt maladie d'un fonctionnaire, la qualifiant de mesure « inefficace », « injuste » et « démagogique ».
FSU: une mesure injuste et inefficace
La Fédération syndicale unitaire (FSU) a demandé dans un communiqué en date du 7 juillet au gouvernement de revenir sur sa décision annoncée la veille de rétablir la journée de carence pour les fonctionnaires.
La fédération explique que « ce jour de carence est injuste et inefficace » et estime que le ministre de l’action et des comptes publics Gérald Darmanin a développé un argument inacceptable en faisant « porter la responsabilité d’une part de la désorganisation des services et de l’accroissement des tâches sur les personnels s’arrêtant pour maladie ». Pour la FSU, rétablir le jour de carence revient à diminuer le salaire des fonctionnaires en arrêt maladie et à les punir, considérant qu’ils sont coupables d’être malades.
Par ailleurs, la fédération souligne que la prétendue équité avec les salariés du privé ne tient pas, car les deux tiers des salariés du privé, relevant majoritairement des entreprises de plus de 250 salariés, voient leurs jours de carence couverts par des accords d’entreprise. Elle note qu’il y a bien aujourd’hui une inégalité entre les salariés du secteur privé qui ont une prise en charge totale, et ceux qui se voient appliquer intégralement ou partiellement des jours de carence. Et, qu’il y aura aujourd’hui une inégalité entre les salariés du secteur public et la majorité de ceux du secteur privé.
La FSU demande dès lors qu’il n’y ait aucun jour de carence ni dans le privé, ni dans le public, ce qu’elle considère d’autant plus inadmissible que les études démontrent que là où le jour de carence est mis en œuvre, les arrêts sont moins nombreux mais plus longs, le jour de carence s’avérant donc inefficace contre l’absentéisme. Elle rappelle que pour réduire les arrêts maladie, il faut agir sur les conditions de travail, renforcer la médecine de prévention, quasi inexistante pour une majorité de fonctionnaires et développer des mesures pour améliorer la qualité de vie au travail.
UNSA: une mesure démagogique et injuste
Le Secrétaire Général de l’UNSA-Fonction Publique Luc Farré a quant à lui déclaré que la décision de réintroduire un jour de carence, annoncée par le ministre Gérald Darmanin lors des États Généraux des comptes de la nation, « est profondément injuste car elle nuit à la santé des agents publics alors que leurs conditions de travail se dégradent fortement. Les agents ne s’absentent pas sans raison ! »
Il qualifie cette mesure d’« injuste » car les agents ne sont pas couverts par une convention collective comme les deux tiers des salariés, en particulier, tous les agents qui exercent par tous les temps en extérieur ou pour tous ceux qui ne peuvent absolument pas assurer leur mission en cas de maladie au risque de contaminer les plus fragiles comme à l’hôpital.
Elle lui apparaît également « démagogique car ce n’est pas cette mesure représentant 170 millions d’euros qui rééquilibrera le budget de la France et qui permettra d’économiser les 5 milliards nécessaires pour boucler le budget 2017, selon l’audit de la Cour des comptes. » Elle est tout simplement inutile ! » a-t-il conclu.
Pour l’UNSA-Fonction Publique, après le gel annoncé de la valeur du point d’indice, cette mesure apparait comme un manque de reconnaissance de l’implication des agents publics dans leurs missions. Le ministre a également confirmé la suppression de 120.000 postes, a rappelé Farré, mettant en avant le fait que « la fonction publique et les agents publics ne peuvent être ramenés en permanence à une ligne budgétaire! » L’UNSA-Fonction Publique demande une amélioration des conditions de travail et une réelle qualité de vie au travail, et réaffirme que « si carence il y a, c’est bien celle du dialogue social, sur les trois récentes annonces qui frappent les agents publics ».
Stigmatisation des fonctionnaires
Le Secrétaire général de Force Ouvrière Jean-Claude Mailly a estimé que cette mesure était « une manière de stigmatiser les fonctionnaires pour un rendement financier qui n’est pas si extraordinaire que ça », rappelant que « 65 à 70% des salariés du privé n’ont pas du tout de jours de carence ».
« Après le gel de la valeur du point d’indice pour 2018, il s’agit d’une nouvelle mesure de recul social et d’une nouvelle attaque frontale contre les fonctionnaires. Quant au dialogue social, une telle annonce unilatérale est très malvenue à deux jours d’une première rencontre plénière avec les syndicats », a de son côté réagi Jean-Marc Canon, Secrétaire général de l'Union Générale des Fédérations de Fonctionnaires-Confédération générale du travail (UGFF-CGT).
« L’instauration d’un jour de carence ne consiste en aucun cas en une politique de prévention ou d’amélioration de la qualité de vie au travail », a également regretté Mylène Jacquot de la Confédération française démocratique du travail (CFDT).
Contexte
Le délai de carence est la période pendant laquelle un salarié en arrêt maladie ne bénéficie pas des indemnités journalières versées par la sécurité sociale. Alors que ce délai est fixé à 3 jours pour les salariés du privé, aucun délai ne s'applique en revanche pour ceux de la fonction publique. Pour ces derniers, les indemnités sont donc versées dès leur premier jour d'arrêt maladie. Alors que dans le privé un salarié voit sa perte de salaire souvent compensée par son employeur, à l’exception des PME ou des artisans, ce n’est pas le cas dans la fonction publique, où il n’y a pas de compensation financière.
Le 6 juillet 2017, le Ministre de l'Action et des comptes publics Gérald Darmanin a officiellement annoncé le rétablissement de ce jour de carence dans la fonction publique, une mesure qui figurait dans le programme d'Emmanuel Macron lors des présidentielles. « Même si le jour de carence ne doit pas être le seul instrument pour lutter contre l’absentéisme des agents, qui est aussi la conséquence de souffrances d’une partie d’entre eux (...), il permet de lutter contre le microabsentéisme qui désorganise les services, alourdit la charge de travail des collègues en poste et coûte environ 170 millions d’euros par an », a-t-il déclaré lors des états généraux des comptes de la nation réunis à Bercy. Le ministre a précisé ensuite à des journalistes que cette mesure, destinée notamment à « rétablir de l’équité entre le public et le privé », figurerait dans le projet de loi de finances pour 2018.
Le jour de carence des fonctionnaires avait déjà été instauré le 1er janvier 2012, sous la présidence Sarkozy. Il avait depuis été supprimé le 1er janvier 2014, sous l'ancien gouvernement Ayrault.