Références
Fullan, M. (2014). The principal: Three keys for maximizing impact. San Francisco: Jossey-Bass.
Fullan, M., Rincon-Gallardo, S., et Hargreaves, A. (sous presse). Professional capital as accountability.(Stanford: EPPA series).
Hargreaves, A. et Fullan, M. (2012). Professional capital. New York: Teachers Collage Press.
Hargreaves, A., Boyle, A., et Harris, A. (2014). Uplifting leadership. San Francisco: Jossey-Bass, A Wiley brand.
OCDE (2014). TALIS 2013: Une perspective internationale sur l’enseignement et l’apprentissage. Paris: Publications de l’OCDE.
Conclusion
Je n’ai pas commenté le rôle du gouvernement, des syndicats et des systèmes scolaires. Le programme que je viens de décrire est fédérateur. Les écoles qui réussissent aident les enseignant(e)s en difficulté et attirent les meilleur(e)s. Les enseignant(e)s de talent quittent les écoles en difficulté et abandonnent les professions fragiles. Une collaboration efficace permet de réduire les variations préjudiciables (définies comme enseignement inefficace) car elle génère des pratiques cohérentes et efficaces. L’application sans faille de mesures interdépendantes contribue à l’efficacité, à la pérennité et à l’autoproduction des professions. Il est temps de mettre en place les mesures relatives aux enseignant(e)s que j’ai présentées dans le présent document.
6.Investir des ressources et repositionner la responsabilité
Toutes les analyses économiques concluent que ce n’est pas tant le montant des dépenses qui importe que la manière dont ces sommes sont dépensées. L’accent principal doit porter sur la mise en œuvre des mesures liées aux attentes élevées présentées dans le facteur 1. Les enseignant(e)s doivent percevoir une rémunération correcte afin que l’argent ne soit pas un problème; la rémunération aux résultats est une catastrophe; les écarts de rémunération qui correspondent à des responsabilités de direction et au développement des compétences associées sont souhaitables, et l’investissement favorisant les conditions et les pratiques qui renforcent les facteurs deux à cinq est indispensable. Investir dans les cultures de collaboration et dans les réseaux collaboratifs devrait être une priorité. D’autres investissements dans le développement des enseignant(e)s et dans l’apprentissage professionnel peuvent s’avérer utiles mais uniquement dans le contexte de politiques du changement visant à faire évoluer la culture.
Concernant la responsabilité, les décideurs/euses doivent fonder leur approche sur ce qui suit: i) dans les situations de capacité professorale très faible, des approches plus structurées peuvent être essentielles, ainsi que le recours à des mesures directes de responsabilisation (par exemple, quand les enseignant(e)s font preuve d’absentéisme); ii) l’investissement principal et la notion de responsabilité doivent s’appuyer sur le développement - investir dans le capital professionnel des enseignant(e)s tel que nous l’avons défini. L’approche de la responsabilité doit consister à mettre l’accent principal sur le développement de la « responsabilité interne » qui pose les conditions d’une responsabilité transparente du groupe en son sein, et à l’extérieur vis-à-vis des autorités et du public (voir Fullan, Rincon-Gallardo et Hargreaves, sous presse), et iv) dans ces conditions, la responsabilité externe doit permettre de révoquer les enseignant(e)s qui ne devraient pas faire ce métier, et de prendre les mesures adéquates dans le cas d’écoles et d’académies inefficaces sur la durée. Les évaluations par les pairs ou autres dispositifs similaires peuvent s’avérer efficaces dans de telles situations.
La responsabilité externe nécessite des explications supplémentaires. A mon sens, il nous fallait d’abord critiquer les formes de responsabilités axées sur la sanction telles que les inspections des écoles et certains dispositifs d’évaluation des enseignant(e)s car elles nuisent manifestement au développement du corps enseignant dans son ensemble. Maintenant que nous pouvons établir un programme de développement, comme je viens de le faire dans le présent article, il nous faut réintroduire la responsabilité de manière plus explicite, y compris sous ses formes les plus rigoureuses. Les attentes élevées, l’investissement dans le développement et l’engagement tant en matière de responsabilité interne qu’externe constituent une association très efficace et incontournable.
4. Direction au niveau des écoles
J’ai récemment écrit un ouvrage intitulé The principal:Three keys for maximizing impact(Le/La directeur/trice: trois clés pour maximiser l’impact), et ce principalement en raison de la confusion croissante quant au rôle du/de la responsable d’établissement comme leader pédagogique. De nombreuses administrations leur imposaient des évaluations formelles (du type de celles jugées superficielles par les enseignant(e)s interrogé(e)s dans le cadre de l’enquête TALIS). Au contraire, les pratiques efficaces sont limpides. Les responsables d’établissement « qui participent en tant que facilitateurs/trices d’apprentissage » auprès des enseignant(e)s peuvent changer les choses. En fait, ces facilitateurs/trices orchestrent les cinq autres facteurs qui figurent sur notre liste de six facteurs. L’influence des responsables d’établissement sur l’école se traduit ainsi indirectement, mais de manière d’autant plus explicite(par ailleurs, les deux autres éléments clés sont « l’agent du changement » et « l’acteur du système » — ce dernier étant intégré au facteur 5).
5. Autonomie connectée
En substance, l’enquête TALIS fait le constat (bien qu’elle n’évoque pas un constat à proprement parler) que l’autonomie dans l’isolement est l’ennemie de l’efficacité du système. La question étant l’autonomie sur quoi et dans quelles conditions. De nombreuses administrations accordent de nouveaux degrés d’autonomie aux écoles et aux académies, mais je leur conseille de faire attention. Les écoles et les académies doivent se libérer de l’exigence de conformité impulsée par un processus bureaucratique descendant, mais encore une fois cela nécessite d’être encadré par certaines conditions. Les deux séries de conditions suivantes devraient être prévues par des mesures spécifiques. Un, de l’autonomie découlent trois « exigences de connexion »: i) développer les cultures de collaboration internes à l’établissement, ii) travailler au sein de réseaux utiles d’écoles et iii) s’employer à appliquer de manière proactive les priorités de l’Etat (en supposant que ces dernières sont dans le droit fil des six facteurs évoqués dans le présent article). Ces trois formes constituent l’autonomie connectée. La deuxième série de conditions impose que l’autonomie soit encadrée par les obligations relatives aux facteurs 1 et 6.
2. Motivation par les pairs
S’il est un facteur qui, dans toute organisation, a une forte incidence sur la performance, c’est la « motivation par les pairs ». Car toute tâche qui fait appel à la culture de collaboration au-delà des simples aspects rudimentaires l’emporte haut la main sur toute autre stratégie (notre capital social et décisionnel). Le rapport TALIS mentionne cette conclusion mais elle est enfouie dans des demi-vérités. Chaque fois qu’il est fait référence à une conclusion à moitié vraie — les commentaires sont importants, le perfectionnement professionnel l’est tout autant, l’autonomie peut aider, etc. — c’est seulement lorsque ces facteurs sont associés à des cultures de collaboration que l’effet désiré est atteint. Ici, les décideurs/euses doivent prendre le taureau par les cornes: investir dans l’apprentissage utile par les pairs au travers des six facteurs.
Comme nous avons coutume de dire, si vous voulez faire évoluer le groupe, il faut passer par le groupe pour le faire évoluer.
3. Commentaires
Recevoir des commentaires constructifs est essentiel pour progresser, quel que soit le milieu. Mais cette tâche est loin d’être la plus simple. L’enquête TALIS constate que 60 pour cent des enseignant(e)s pensent que recevoir des commentaires aide à progresser, mais aussi que 50 pour cent estiment que l’évaluation des enseignant(e)s « vise simplement à respecter des obligations administratives »: encore une demi-vérité qui réclame une explication. La vraie question est « quelles sont les conditions propices aux commentaires ». Nous connaissons la réponse: quand la culture favorise le développement plutôt que le licenciement, la sincérité plutôt que la superficialité, la spécificité plutôt que le néant, la transparence plutôt que l’opacité, les arguments plutôt que les caprices, et des collègues et des responsables d’établissement serviables plutôt que l’isolement. En un mot, les commentaires exigent des éléments concrets et des données de qualité, et une culture qui s’engage à agir sur les constats. Les cultures de collaboration incluent un plus grand nombre de ces éléments que n’importe quel outil d’évaluation des enseignant(e)s. La clé est l’apprentissage utile au quotidien (car il repose sur des commentaires simples et universels) -- étayé, et non pas motivé, par l’évaluation et l’apprentissage professionnel.
Ces quatre thèmes ont un rôle à jouer, mais ils ne sont efficaces que si certaines conditions sont réunies. Les conclusions du « Teaching and Learning International Survey » (Enquête internationale sur l'enseignement et l'apprentissage-TALIS) 2013 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en sont un bon exemple (OCDE, 2014). Le rapport présente les conclusions de l’enquête portant sur les enseignant(e)s et les responsables d’établissement de 22 pays. Les demi-vérités qu’il véhicule peuvent amener les décideurs/euses à faire fausse route. TALIS nous a rendu service en abordant les questions essentielles, mais il nous faut à présent interpréter les conclusions avec précision.
Dans le présent exposé, je propose six idées qui, conjointement, peuvent améliorer les performances du corps enseignant dans son ensemble et, ainsi, contribuer à une meilleure réussite scolaire. Il n’est pas indispensable d’établir une longue liste, un petit nombre de facteurs susceptibles de faire la différence en raison de leur interaction suffit.En matière de santé, par exemple, quel est l’intérêt de mettre l’accent sur les exercices physiques si l’on n’y associe pas un régime sain et huit heures de sommeil.
Ces six facteurs, dont la plupart sont mentionnés dans les demi-vérités de l’enquête TALIS 2013, sont :
1. Attentes élevées vis-à-vis des étudiant(e)s.
2. Motivation par les pairs.
3. Commentaires.
4. Direction au niveau des écoles.
5. Autonomie connectée.
6. Investissement des ressources et repositionnement de la responsabilité
Encore une fois, c’est la combinaison des six et leurs effets interactifs qui influeront sur le résultat. Avec Andy Hargreaves (2012), nous avons souligné tout l’intérêt de faire progresser le corps enseignant en montrant que le Capital professionnel des enseignant(e)s est au centre de la question -- en tant que i) capital humain (qualité de l’individu), ii) capital social (qualité du groupe) et iii) capital décisionnel (expertise à identifier des solutions et capacité à prendre des décisions). Ces six facteurs développent le capital professionnel et contribuent davantage aux résultats des enseignant(e)s et des étudiant(e)s.
1. Attentes élevées vis-à-vis des étudiant(e)s et des éducateurs/trices
Les politiques doivent faire naître les aspirations et installer la conviction que les étudiant(e)s peuvent obtenir de bons résultats, quels que soient leur parcours et leur origine. Ces visions stimulantes (pour reprendre les termes de Hargreaves et al., 2014) doivent s’accompagner de politiques et de stratégies qui donnent les moyens de réaliser les objectifs (les cinq autres facteurs ci-dessus). Avant tout, elles doivent être confortées par la ferme conviction et la perspective que les responsables d’établissement et les enseignant(e)s sont les héros/héroïnes qui nous permettront d’y parvenir. Il convient de définir des normes pour les enseignant(e)s et les administrateurs/trices afin de tenir compte de ces aspirations, et les mettre en œuvre via les cinq autres facteurs.