Lutter contre les stéréotypes de genre à l’école
Mme Mahathir a également souligné que le phénomène de l’inégalité entre les sexes dans la société ne changera pas si l’éducation dispensée à l’école ne change pas. L’éducation à l’école est le reflet de la société. Si les programmes scolaires ne sont pas sensibles à la dimension de genre et reproduisent sans cesse les mêmes stéréotypes de genre, c’est cela que les filles et les garçons vont intégrer. Si les manuels répètent à l’envi que le rôle « qui convient » à une femme est dans la cuisine, et que les hommes sont toujours les chefs et les supérieurs, il n’est pas étonnant que les filles hésitent à suivre des cours dits masculins ou plus difficiles à l’école.
L’égalité des genres est nécessaire, selon Mme Mahathir, parce qu’il est logique que la moitié de nos populations soit des citoyennes qui y participent pleinement, tout comme l’autre moitié.
« Un proverbe chinois dit que les femmes portent la moitié du ciel. Mais si l’on examine le rôle important que jouent les femmes dans nos sociétés, je pense que nous portons plus de la moitié du ciel. Sans nous, il n’y aurait pas d’enfants et s’il y en avait, ils ne seraient pas en bonne santé. Nos familles ne mangeraient pas si nous ne veillions pas à ce qu’elles aient à manger tous les jours. L’expérience de la pandémie mondiale du sida a montré que la plus grande catastrophe dans une famille est le décès de la mère, pas du père. Tant que la mère vit, elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour protéger sa famille et la nourrir. »
Selon Mme Mahathir, si les filles et les femmes sont éduquées, lorsqu’elles deviennent mères, elles seront de meilleures mères et elles éduqueront mieux leurs enfants. Mme Mahathir a insisté sur le fait que cela ne pourra pas se faire sans l’égalisation des statuts des hommes et des femmes et qu’il n’y a rien à perdre à parvenir à l’égalité des genres. Alors, quelle est notre excuse pour perpétuer cette inégalité, a-t-elle demandé.
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Des filles et des garçons éduqués
Et Mme Mahathir de poursuivre : « Le premier pas est de scolariser les filles. Mais ce succès doit être équilibré. Pour développer le pays, nous avons besoin de filles ET de garçons éduqués. Tout déséquilibre, que ce soit en faveur des filles ou des garçons, est malsain, selon moi. »
Le nombre élevé de filles dans les établissements d’enseignement ne se traduit pas automatiquement par une vie meilleure pour les filles et les femmes si les attitudes profondément ancrées dans la société demeurent, souligne Mme Mahathir. PEMANDU, l’agence gouvernementale malaisienne chargée de la transformation économique a calculé que moins de 40 pour cent des diplômées entrent sur le marché du travail après l’université. Parmi elles, 25 pour cent cessent de travailler après trois ans. Pour qu’un pays se développe, environ 70 pour cent des femmes doivent avoir un emploi rémunéré, selon le programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Ces chiffres sont très préoccupants, prévient Mme Mahathir.
« Nous pouvons supposer que la raison de ce phénomène réside dans le fait que les stéréotypes de genre n’ont pas changé », a déclaré Mme Mahathir. « En dépit de leurs diplômes, les femmes diplômées constatent souvent qu’il y a moins de travail pour elles. Les stéréotypes de genre ont en partie eu pour conséquence que les filles ont eu tendance à s’orienter vers des cours artistiques, ce qui ne coïncide pas avec les besoins du marché du travail. Même si elles choisissent une filière scientifique, elles ont tendance à s’orienter vers des professions qui sont considérées comme "convenant mieux" aux femmes. »
L’oratrice a également observé que les femmes rencontrent le même problème depuis qu’elles ont commencé à travailler hors de la maison : elles ont deux emplois, l’un en dehors de la maison et l’autre à la maison. « Pour nombre d’entre elles, sans aide, c’est tout simplement trop difficile. Dans un pays comme la Malaisie, où une aide domestique est chère et où les bonnes crèches sont rares, la pression exercée sur les femmes est extrême. Il n’est dès lors pas étonnant que de nombreuses entreprises se plaignent que c’est précisément lorsque les femmes font leur chemin au niveau professionnel qu’elles abandonnent, parce que c’est aussi à ce moment qu’elles se marient et qu’elles ont des enfants. »
Le rôle de l’éducation dans la promotion de l’égalité et de l’inégalité
Mme Mahathir a insisté sur le fait qu’une partie de la lutte pour atteindre l’égalité des genres dans l’éducation consiste à combattre les stéréotypes de genre dans les classes et dans le matériel didactique. Selon elle, il ne peut y avoir de changement sociétal si une approche sexospécifique n’est pas au cœur des programmes scolaires et des réformes plus larges des systèmes éducatifs.
« En ce qui concerne les relations entre les sexes, les inégalités dans l’éducation reflètent et alimentent tout à la fois les inégalités dans la société, en particulier entre les hommes et les femmes », insiste Mme Mahathir. « Négliger l’éducation des filles signifie qu’elles resteront ignorantes et, dès lors, vulnérables à la manipulation et à l’exploitation. Leur manque de connaissances les rend impuissantes à lutter contre des personnes plus instruites et les expose à des abus qui conduisent parfois à des problèmes de santé, voire à la mort. »
Elle a cité l’exemple de Mukhtar Mai, une femme pakistanaise donnée à une autre famille pour compenser un méfait commis par son frère et qui a été violée et battue. Bien qu’elle fût analphabète, sa survie dépendait de sa propre détermination à demander justice. Mukhtar a compris seule que son manque d’éducation était la source de ses problèmes et, avec l’argent obtenu auprès de plusieurs donateurs compatissants après la médiatisation du procès qu’elle a remporté, elle a ouvert une école où elle étudie elle aussi.
L’éducation est essentielle pour le développement
Il est crucial pour le développement d’un pays d’atteindre l’égalité entre les hommes et les femmes, a déclaré Mme Mahathir, tout en reconnaissant que des femmes de plus en plus nombreuses sont éduquées, travaillent hors de la maison et participent à la vie quotidienne de leur pays, y compris en politique.
« Des études internationales ont montré qu’un pays dans lequel il existe une égalité entre les sexes enregistre une croissance économique plus forte », a-t-elle affirmé. « On observe un effet multiplicateur et des avantages d’une génération à l’autre et entre les communautés lorsque les filles sont éduquées », notamment en termes de santé et de sécurité des enfants.
Selon elle, si les pays ne parviennent à développer l’éducation qu’au niveau du primaire, ils préparent leurs enfants à ne travailler que dans certains emplois mal rémunérés, comme ouvriers et travailleurs domestiques. S’ils améliorent l’inscription dans l’enseignement secondaire et le taux d’achèvement des études secondaires, alors les pays peuvent produire un grand nombre de travailleurs/travailleuses d’usine et de vendeurs/vendeuses, pour fabriquer des produits meilleur marché pour les pays développés. Si des salarié(e)s de tous les niveaux sont nécessaires, ce sont en fait des citoyen(ne)s ayant fait des études supérieures qui seront réellement capables de faire progresser le pays vers un autre niveau. Il est certes louable que de nombreux pays réduisent leur taux d’analphabétisme, mais ils doivent concentrer leurs efforts sur le maintien des enfants à l’école aussi longtemps que possible et les aider à grimper tout en haut de l’échelle de l’éducation.