Le VIH/SIDA est un fléau qui frappe de plein fouet le corps enseignant en Afrique et, parmi les pays d’Afrique francophone, la Côte d’Ivoire est de loin le plus touché.
Depuis 2002, les syndicats du pays se sont rassemblés et sont devenus parties prenantes du programme VIH/SIDA (depuis intégré dans le programme Education Pour Tous-SIDA ), qui a aidé de nombreux syndicats dans leurs efforts de prévention du VIH/SIDA.
C’est fort de cette expérience accumulée au cours des années que Junior Kouamé, qui, avec Emmanuel Zaddi, assure la coordination du programme en Côte d’Ivoire, s’est rendu en 2006 au Cameroun et au Gabon pour former les syndicats locaux, dans le cadre de la composante coopération sud-sud du programme. Nous l’avons rencontré à Dakar, après une longue session d’évaluation et de planification des projets EPT-SIDA, où il a pu partager son expérience avec les autres syndicats impliqués et réfléchir sur l’avenir du projet.
L’engagement de Junior dans les mouvements étudiants puis syndicaux remonte aux années lycée, et dès sa première année d’enseignement il s’est pleinement engagé dans les activités de sa section syndicale locale en en devenant vice-président. Un engagement placé sous le signe du combat pour plus de droits : un de ses modèles est Nelson Mandela, en qui il admire aussi bien le combattant que l’homme qui a su quitter le pouvoir, une attitude encore malheureusement peu répandue en Afrique.
Junior a ensuite rejoint le programme EPT-SIDA en 2002, suivant une formation avant de devenir formateur à son tour puis, dès 2003, coordinateur du projet. Une fonction qui lui a apporté de nombreuses satisfactions : elle lui aura permis de se créer de nouveaux contacts, mais aussi d’apprécier l’engouement des militants syndicalistes enseignants pour ce programme. En effet, celui-ci, au-delà de son efficacité en matière de formation, permet aux enseignants de sortir du cadre de leurs syndicats et de travailler avec les autres syndicats dans une plateforme commune- « une chose qui aurait dû avoir lieu depuis longtemps ! » Il leur aura aussi permis d’être pris plus au sérieux par leur gouvernement, d’être considéré comme productifs pour la société et de voir leurs initiatives reprises par d’autres acteurs.
Intervenir dans d’autres pays a été pour lui une expérience très enrichissante, lui permettant de voir le programme et le livre d’exercices sous un autre angle. Il préconise « de voir dans quelle mesure d’autres camarades, d’autres coordinateurs puissent partager leur expérience avec d’autres personnes. Ce serait intéressant ».
Intervenir en tant que syndicaliste africain est pour lui un avantage certain : les syndicalistes de toute l’Afrique francophone vivent en effet les mêmes réalités, les mêmes « tracasseries que subissent les syndicats » inconnues en Europe, et vivent le même danger de fragmentation syndicale et de désyndicalisation, conséquence paradoxale de la démocratisation du début des années 90, où chaque parti, chaque ministre a créé son propre syndicat.
La coopération sud-sud permet d’envoyer des formateurs plus à même de réagir sans surprise aux défis parfois inattendus que présente la mise en place du programme dans cette région. Elle permet aussi de transposer de manière plus convaincante un programme qui, au-delà de ses objectifs propres, promeut l’unité syndicale et l’émergence d’un syndicalisme de propositions plutôt que de contestation.
Par Sylvie Gosme