Les précédents sommets ont accouché de promesses sans suite. Celui-ci sera-t-il différent ?
Tony et Georges, Jacques et Gerhard, Vladimir et Silvio, Junichiro et Paul, ainsi que José de l’UE, se réuniront tous à Gleneagles, en Ecosse, la semaine prochaine, du 6 au 8 juillet, afin de montrer au monde qu’ils s’attaquent aux questions les plus pressantes du moment. En général, ils aiment montrer qu’ils sont tous bons copains, du moins au niveau personnel, même s’ils ne s’entendent pas toujours au sujet de la politique. Mais Jacques, Gerhard et José seront-ils complaisants envers le maître de maison Tony sur son gazon national, après l’amertume de l’échec du sommet de l’UE ? Les poignées de mains rituelles sur le perron, les sourires forcés pour les caméras ? Tout cela a un air de déjà vu !
Le G8 s’est réuni pour la première fois (en tant que G6) en France, il y a 30 ans, après le premier choc pétrolier. L’idée maîtresse en était que les dirigeants des économies les plus fortes devaient rechercher un consensus sur certaines questions de portée planétaire. Aujourd’hui, le G8 est devenu un événement médiatique de premier plan. Le communiqué du Sommet est négocié d’avance par les ‘Sherpas’, les hauts conseillers qui accompagnent les dirigeants au sommet. Entre les sommets se tiennent des réunions des ministres des Finances (réunion en tant que G7 sans la Russie), ainsi que de l’Emploi et d’autres ministres.
Toutefois le palmarès de la mise en œuvre des promesses faites lors des sommets n’est pas brillant. Ainsi les engagements pris en faveur de l’Apprentissage tout au long de la vie au sommet de Cologne, en Allemagne, en 1999. Les ministres de l’Education en ont discuté à Tokyo l’année suivante, lorsque ce fut le tour du Japon d’accueillir le G8, mais ce fut à peu près tout. Les engagements de Cologne sont tombés aux oubliettes.
Tony Blair déclare vouloir que ce G8 soit différent. Une technique qu’il utilise consiste à insister, en tant que président, sur la nécessité pour le sommet de concentrer ses efforts sur deux questions : l’Afrique et le changement climatique. Dernièrement, il s’est rendu dans plusieurs pays du G8 afin de préparer le terrain. Gordon Brown, ministre des Finances et héritier présomptif du Premier ministre, a travaillé dur sur la question clé de l’allégement de la dette et du financement des OMD. La Commission pour l’Afrique du Royaume-Uni, présidée par Tony Blair, a présenté les arguments en faveur d’un traitement équitable de la dette, de l’aide internationale et du commerce. Plusieurs dirigeants africains seront du sommet de Gleaneagles, suivant en cela l’exemple donné trois ans plus tôt par Jacques Chirac à Evian, en France. Deux jours auparavant, le Premier ministre a rencontré des dirigeants syndicaux des pays du G8. (L’IE était présente : voir l’article daté du 30 juin 2005).
La mobilisation publique pour Abolir la pauvreté est sans précédent. Les participants à la marche d’Edimbourg représentent des millions de personnes dans le monde entier, unies symboliquement par le « White Band Movement » (Mouvement du bandeau blanc).
Mais, comment le G8 s’annonce-t-il à proprement parler? L’annonce des ministres des Finances du G7 sur l’annulation de la dette de 18 des pays les plus pauvres constitue un important pas en avant, et aidera l’éducation dans ces pays. Oxfam et le Mouvement du Jubilé ont toutefois mis en exergue les pièges présents dans les détails et la nécessité d’aller plus loin. (Voir également la circulaire du Secrétaire général de l’IE du 29 juillet). George Bush a annoncé un doublement de l’aide internationale des Etats-Unis pour l’Afrique. Toutefois, pour l’opposition démocrate aux Etats-Unis, l’hôte de la Maison Blanche se contente de promettre à nouveau les fonds déjà annoncés pour l’action sur la lutte contre le VIH/SIDA, la vaccination et l’éducation.
Le risque est réel de voir chacun convenir de la nécessité d’une action mais ne pas s’entendre sur le type d’action. La proposition britannique de Facilité de financement international se heurte à l’opposition des Etats-Unis. La France, soutenue par l’Espagne, le Chili et d’autres pays non-membres du G8, est favorable à une taxe internationale sur les transports aériens. Les Etats-Unis s’opposent à cette idée, tout comme ils s’opposent aux propositions de vendre certaines des réserves d’or du FMI. Les Etats-Unis freinent également des quatre fers devant l’objectif d’affectation de 0,7% du PIB à l’aide internationale, adopté voici longtemps aux Nations unies, et en faveur duquel plusieurs pays ont récemment renouvelé leurs engagements. Pourtant, le montant visé pour les Etats-Unis, environ US$ 80 milliards par an, est à peu près équivalent à celui que le pays dépense actuellement en Iraq!
Le monde observera donc patiemment tandis que le show médiatique de Gleneagles sera retransmis autour du globe. Il faut espérer que les dirigeants réunis en ces lieux feront preuve de sagesse et collaboreront à une vision partagée et une volonté collective d’engager leurs gouvernements en faveur d’une ligne de conduite convenue. Il faut espérer qu’ils sauront s’élèver au-dessus de l’étroitesse des intérêts nationaux et politique. En un mot, il faut espérer qu’ils feront preuve de leadership.
Même si, comme nous l’espérons, les dirigeants du G8 parviennent à s’accorder sur une ligne de conduite efficace, qui sera saluée par le reste du monde, il reviendra à chaque pays de respecter ses promesses. L’histoire indique qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. La mobilisation pour Abolir la pauvreté ne fait que commencer. Il faut la maintenir jusqu’à ce que les promesses soient réalisées et jusqu’à ce que les slogans deviennent réalité.
Bob Harris Consultant principal auprès du Secrétaire général