Le Pacte pour un enseignement d’excellence, dont le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a tant vanté les mérites, est examiné à la loupe par les syndicats d’enseignants, qui craignent que les efforts visant à améliorer l’éducation en Belgique francophone ne viennent mettre à mal l’enseignement technique et professionnel et n’accroissent encore davantage la charge de travail des enseignant(e)s.
Consultés tout au long de l’élaboration des réformes annoncées par la ministre de l’Education de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Marie-Martine Schyns, en vue d’améliorer la qualité de l’éducation francophone, les syndicats émettent des opinions divergentes au regard de ce Pacte. En effet, certains le soutiennent sous certaines conditions, tandis que d’autres le rejettent catégoriquement en raison des pertes d’emploi et du manque de financement engendrés par de telles réformes.
Si la ministre Schyns a déclaré « comprendre les inquiétudes » exprimées au sujet de ce Pacte, elle a insisté sur le fait que « le statu quo n’est pas possible ».
CGSP enseignement: « Non, mais... »
Dès le 27 janvier, la Centrale générale des services publics - Enseignement (CGSP-Enseignement) a rejeté le Pacte en exigeant une série de clarifications et de garanties, notamment sur le soutien de l’emploi des enseignant(e)s, et s’est finalement prononcée en faveur d’un « non, mais… » du Pacte.
Le Président communautaire de la CGSP, Joseph Thonon, s’est exprimé ainsi: « Il y a de bonnes idées, mais nous ne pouvons pas accepter les conclusions dans leur totalité. Il y a encore beaucoup trop de questions et d’inconnues pour avancer, pour se dire qu’on va foncer dans la mise en œuvre des conclusions du Pacte. »
Bien que le syndicat approuve de nombreuses initiatives prévues dans ce Pacte, Thonon précise que les enseignant(e)s critiquent le manque de clarté du document.
Par ailleurs, les mesures relatives à l’emploi suscitent de vives préoccupations au sein du corps enseignant. En effet, la réforme prévoit d’allonger d’un an le tronc commun. Une fois que le Pacte d’excellence aura été mis en place, les étudiant(e)s devront faire un choix entre l’orientation générale et la filière qualifiante à la fin de la 3e secondaire, alors qu’ils/elles peuvent le faire dès la deuxième année à l’heure actuelle. En toute logique, l’enseignement qualifiant sera réduit d’une année.
« Les enseignants s’inquiètent logiquement pour leur emploi » met en avant M. Thonon, « mais aussi du sort de leurs écoles ».
La CGSP chiffre également à 1.500 le nombre d’emplois qui devraient disparaître à terme dans l’enseignement qualifiant, mais aussi dans l’enseignement spécialisé (où l’on souhaite limiter le plus possible le nombre d’étudiant(e)s à l’avenir) et dans les centres psycho-médico-sociaux. Si le Pacte évoque bien une période transitoire avant de supprimer ces emplois, elle n’est pas suffisamment détaillée, estime la CGSP. Ses affiliés redoutent également que l’introduction du tronc commun et la suppression de la 7e professionnelle viennent considérablement réduire le nombre d’élèves dans certaines écoles, ce qui pourrait provoquer leur fermeture. En outre, ils se disent vivement préoccupés par l’absence d’engagement clair sur une réduction du nombre d’étudiant(e)s par classe.
« Si l’on devait finalement s’écarter de ces préoccupations, ce sera aux risques et périls de ceux qui voudraient passer en force... », a lancé Joseph Thonon en guise d’avertissement au gouvernement. Il a aussi rappelé que « les enseignants sont un acteur-clé de l’école. Si les profs n’adhèrent pas au Pacte, cela ne marchera jamais ».
CSC-enseignement: « Non, sauf si... »
« Dans l’état actuel des travaux, il n’y a pas d’adhésion de la CSC-Enseignement », a annoncé le Secrétaire général de la Confédération des Syndicats Chrétiens de l’Enseignement (CSC-Enseignement) Eugène Ernst.
Le 8 février dernier, le Comité communautaire de la CSC-Enseignement s’est prononcé en faveur du « non, sauf si », soutenu par 78 pour cent des membres de la CSC-Enseignement, au regard de la version actuelle du Pacte.
Ernst a reconnu que « la CSC-Enseignement approuve néanmoins la volonté de faire évoluer l’école de manière systémique, les objectifs de lutte contre le redoublement, de lutte contre le décrochage, le renforcement de l’enseignement maternel et insiste sur l’importance d’un véritable projet de mixité sociale au sein de nos établissements scolaires ».
Son syndicat a exposé ses conditions et espère que les autorités publiques prendront des engagements clairs, notamment concernant les emplois, l’avenir des écoles et des établissements menacés par les changements structurels annoncés, le tronc commun, les conditions d’apprentissage et de travail, le travail collaboratif et la formation initiale des enseignant(e)s.
Par ailleurs, la CSC-Enseignement estime que la forte mobilisation constatée dans le cadre de cette consultation « constitue une réelle opportunité par rapport aux défis de notre Ecole ».
SLFP-Enseignement: Non à un projet trop flou
Même si 64 pour cent des membres du syndicat d’enseignants le Syndicat Libre de la Fonction Publique-Enseignement (SLFP-Enseignement) ont rejeté les conclusions du Pacte, la Présidente Masanka Tshimanga a déclaré que son syndicat souhaitait « continuer à prendre part aux débats qui seront d’une importance capitale dans l’avenir de notre enseignement et dans la carrière de l’enseignant ».
Le syndicat craint que le Pacte, dans sa forme actuelle, ne contraigne les enseignant(e)s à devoir assumer « plus de tâches, mais sans aides supplémentaires ».
Il déplore que le vaste projet de réforme à l’horizon 2030 ne soit « trop flou » et que son financement soit « opaque et vraisemblablement insuffisant ». En outre, il regrette les pertes d’emplois programmées dans la filière de l’enseignement qualifiant, ainsi que le manque d’informations sur la formation initiale des enseignants.
Le 8 janvier, après avoir consulté leurs affiliés, l’Appel-CGSLB et le Syndicat des enseignants de l’enseignement libre subventionné ont décidé, eux aussi, de rejeter le projet de Pacte.