L’Internationale de l’Education et les institutions internationales s’inquiètent des effets de la signature de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l'UE sur les services publics, notamment l'éducation et des limites que l’accord impose à l’espace public.
IE: un risque important d’une pression accrue vers la privatisation et la commercialisation de l’éducation
Après les négociations et l’accord de la Belgique concernant l’accord économique et commercial global entre le Canada et l'UE (CETA, acronyme en anglais) qui ont fait suite au refus du Parlement wallon d’autoriser le gouvernement fédéral à signer le CETA en raison de ses lacunes et du manque de limitations et de garanties, le chapitre du CETA portant sur la protection des investissements ne sera pas appliqué avant que les parlements nationaux ratifient l’accord. La majeure partie de l’accord sera toutefois appliquée provisoirement suite à la ratification par le Parlement européen.
« Le CETA comporte des engagements importants concernant le financement privé des services de l’éducation », a commenté Fred van Leeuwen, Secrétaire général de l'Internationale de l’Education (IE).
Il explique que le Canada et les Etats membres de l’UE ouvrent ainsi effectivement la porte à des fournisseurs étrangers de services éducatifs recherchant un profit mais qu’ils octroient également aux investisseurs privés de nouveaux droits qui dépassent tous les accords commerciaux existants.
Parallèlement, il n’est fait aucune référence à la moindre exception concernant les services publics dans la portée de l’accord. Les exceptions concernent uniquement l’autorité gouvernementale qui n’est pas adéquate pour protéger les services publics comme l’éducation, observe Van Leeuwen. « Par conséquent, le CETA menace de verrouiller et d’intensifier la pression vers la privatisation et la commercialisation de l’éducation. »
Le Comité syndical européen de l'éducation (CSEE), la région Europe de l'IE, invite ses affiliés à faire part de ces inquiétudes aux député(e)s européen(ne)s, tout spécialement en ce qui concerne l’impact du traité sur les normes de qualité. Le CSEE et ses organisations membres continuent à surveiller les discussions de près à l’approche du vote du CETA au Parlement européen.
Selon un expert en droits humains auprès de l’ONU, le traité est fondamentalement bancal
Le 28 octobre, Alfred de Zayas, expert indépendant auprès des Nations Unies (ONU) sur la promotion d’un ordre démocratique et équitable, a qualifié le CETA de « traité axé sur les grandes entreprises et fondamentalement bancal, dont la signature ou la ratification devrait être soumise au referendum dans chaque pays concerné. »
Dans ses rapports au Conseil des droits de l’Homme et à l’Assemblée générale des Nations Unies, il a déjà averti que le CETA est incompatible avec l’Etat de droit, la démocratie et les droits humains ; il a également expliqué comment et pourquoi devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Selon lui, le CETA, tout comme le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI) actuellement en cours de négociation entre l’Union européenne et les Etats-Unis, accordent un pouvoir trop étendu aux grandes entreprises au détriment des gouvernements nationaux et des droits humains. Il déplore par ailleurs que l’existence même de l’arbitrage investisseur-état génère un gel réglementaire.
« Le danger de la signature du CETA et du TTIP et de leur entrée en vigueur est tel que chaque partie prenante, tout spécialement les parlementaires des Etats membres de l'UE, devrait aujourd’hui avoir la possibilité de détailler les pours et les contres. La vision du traité, orientée vers les grandes entreprises, met gravement en danger les législations sociales, sanitaires et de l’emploi et rien ne justifie de les faire avancer plus rapidement », a déclaré de Zayas.
La société civile devrait demander des referendums sur l’approbation du CETA ou de tout autre méga-traité du même type négocié à portes closes, fait-il remarquer.
Il souligne en outre que les Etats membres ne devraient signer l’accord que si leurs pouvoirs à réglementer et à légiférer dans l’investissement public sont pleinement respectés et si le fameux chapitre sur la « protection des investissements » est supprimé, car il « engendre des privilèges pour les investisseurs au détriment du public. ».
CTC et CES : il faut davantage de démocratie pour un agenda commercial juste et progressif
En ce qui concerne le CETA en particulier, le Congrès du travail du Canada (CTC) et la Confédération européenne des syndicats (CES) ont condamné le manque de consultation avec les syndicats.
Pour regagner la confiance des citoyen(ne)s et des travailleurs/euses, et si la Commission européenne et le Gouvernement canadien veulent sincèrement que cet accord devienne une norme positive et progressive pour les accords commerciaux, « il est temps de redémarrer un processus de négociation transparent visant à introduire les réglementations contraignantes et applicables du CETA qui peuvent réellement répondre aux inquiétudes formulées par la CES et le CTC, notamment sur le statut privilégié dont bénéficient les investisseurs avec le système de tribunal d’investissement, qui contraste gravement avec les normes très douces en termes d’emploi, qui ne sont soutenues par aucun mécanisme d’application ». C’est ce que les deux organisations ont souligné dans une déclaration commune concernant le CETA, publiée le 27 octobre.
La CES et le CTC ont demandé à la Commission européenne, au gouvernement canadien et aux Etats membres de l'UE d’ouvrir les négociations à la consultation démocratique des syndicats et de la société civile afin d’assurer que les modifications nécessaires sont introduites pour répondre aux inquiétudes existantes et d’en faire le déclencheur d’un agenda progressif et juste pour les accords commerciaux au niveau mondial.
Ils condamnent également le fait que les institutions wallonnes aient subi des pressions visant à bloquer des négociations plus transparentes et démocratiques.
Pour en savoir plus, consultez l’article récent en anglais Do free trade deals pose a threat to higher education ?