La campagne internationale de l’IE contre la privatisation et la commercialisation de l’éducation s’est invitée en Espagne, à l’initiative du syndicat CCOO, dans le cadre d’un forum visant à informer les enseignant(e)s sur la situation de l’éducation dans les pays de l’Union européenne et de l’OCDE.
Les discussions se sont essentiellement concentrées autour de l’impact de la privatisation sur l’accès et le droit à un enseignement public de qualité pour tou(te)s, qui se trouvent menacés dans l’ensemble des pays de l’Union européenne et de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE). A cette occasion, les participant(e)s ont eu l’opportunité de débattre avec des expert(e)s internationaux/ales, dont Angelo Gavrielatos, Directeur de la campagne « Réponse mondiale », ou encore Antoni Verger, conseiller auprès de l’UNESCO et chercheur au sein de l’Université autonome de Barcelone.
Francisco García, Secrétaire général de la FECCOO, et Cristina Almeida, avocate, analyste politique et spécialiste des moyens de communication, figuraient également au nombre des intervenant(e)s. La table ronde était modérée par Montse Ros, Responsable de la politique éducative au sein de la FECCOO.
Préalablement aux discussions, et après une allocution des secrétaires généraux/ales respectifs de la CCOO de Madrid et de la Federación de Enseñanza de Madrid de CCOO, Jaime Cedrún et Isabel Galvín, ainsi que de la Secrétaire des relations internationales de la FECCOO, Cuqui Vera, la chanteuse et militante Cristina del Valle a lu un manifeste pour la défense d’un enseignement public de qualité. Cristina del Valle est bien connue en Espagne pour son engagement et son soutien envers l’enseignement public, ainsi que pour la solidarité et le militantisme dont elle fait preuve en sa qualité de Présidente de la Plataforma de Mujeres Artistas contra la Violencia de Género(Plateforme des femmes artistes contre la violence fondée sur le genre). Elle représente également l’Espagne dans le cadre de la campagne européenne « Une fleur pour les femmes de Kaboul ».
D’après le manifeste lu par Cristina del Valle « il est nécessaire de soutenir une éducation équitable que nous pourrons uniquement réaliser en poursuivant notre lutte et en nous opposant à la privatisation irrémédiable de l’éducation, sacrifiée au profit d’intérêts d’une poignée de bénéficiaires. Nous devons défendre l’enseignement public, car c’est uniquement de cette façon que nous parviendrons à réaliser l’égalité des chances. Si nous ne pouvons pas changer le passé, nous pouvons toutefois changer le présent afin d’améliorer l’avenir. »
Tout au long de son intervention, Cristina Almeida a insisté sur la nécessité de soutenir et de valoriser la profession enseignante et l’enseignement public qui, ces dernières années, se trouve « dangereusement mise à mal » par les politiques du Parti populaire (le parti conservateur espagnol). Cristina Almeida, ardente défenseuse de l’éducation et des services publics, s’est attaquée aux processus de privatisation menés par le gouvernement espagnol dans certains secteurs, notamment l’éducation et les soins de santé. Elle a également appelé à un changement de paradigme politique avant les prochaines élections générales, qui se dérouleront le 20 décembre prochain. L’avocate a en outre insisté sur la nécessité de promouvoir fermement la scolarisation « des filles », qui est interdite et menacée dans de nombreux pays arabes – une situation qui entraîne pléthore d’incidents malheureux, tels que le drame de Malala. Elle a également vivement critiqué la discrimination fondée sur le genre entre « les filles et les garçons », que l’on peut observer dans certains établissements d’enseignement privé.
Dans son allocution, Angelo Gavrielatos a qualifié « d’inquiétante » l’influence croissante des grandes entreprises privées dans l’élaboration des politiques publiques qui ont un impact sur le financement, la gouvernance et l’égalité des systèmes éducatifs à travers le monde. Cette situation est exacerbée par la volonté de ces entreprises d’accéder au marché de l’éducation, relativement peu exploré, qui « pèserait entre 4,5 et 5 milliards de dollars par an ».
Francisco García, le Secrétaire général de la FECCOO, a quant à lui insisté sur le fait que son syndicat avait dénoncé des coupes de plus en plus importantes dans l’éducation au cours de ces dernières années, venant affaiblir les droits des professionnel(le)s du secteur et détériorer la qualité de l’éducation. « La FECCOO entend mettre en lumière le fait que la logique des politiques néolibérales promouvant la commercialisation, la privatisation et la discrimination, mais aussi l’exclusion, n’épargne pas notre pays. La loi sur l’éducation en vigueur – la LOMCE – reflète clairement ce type de politiques ». Et d’ajouter: « la logique de commercialisation est mue par la défense de la liberté du choix de l’établissement, ainsi que par l’autonomie de ces établissements dans l’élaboration de leurs propres projets éducatifs. [...] Nous devons soutenir une éducation publique qui garantisse le caractère universel du droit à l’éducation, et nouer des liens étroits entre les éducatrices et éducateurs, les familles et la société dans son ensemble, au profit d’une éducation pour toutes et tous. »
Enfin, le chercheur Antoni Verger a présenté les politiques et tendances existantes à l’échelle internationale, au regard de la privatisation de l’éducation.Il a exposé de quelle façon le phénomène de privatisation de l’éducation gagne en importance et ne cesse de s’internationaliser. Ces dernières années, un vaste éventail de politiques en faveur de l’implication du secteur privé dans l’éducation a été adopté dans un grand nombre de pays connaissant des situations politiques et économiques très variées. Antoni Verger a précisé que ses recherches visaient à comprendre pourquoi et comment ces politiques avaient pu s’imposer avec une telle intensité, dans toutes les régions du monde. Revenant sur la réforme éducative sous un angle économico-politique, Antoni Verger a également présenté les conditions, les acteurs et les mécanismes qui viennent favoriser l’essor de la privatisation de l’éducation, et ce, dans différents pays.