D’ici janvier 2016, le Gouvernement fédéral allemand prévoit de réviser la loi sur les contrats à durée déterminée des scientifiques (Wissenschaftszeitvertragsgesetz, abrégée en WissZeitVG), qui constitue le fondement légal de la limitation de ces contrats en Allemagne.
Le gouvernement suit ainsi le projet lancé en 2010 par le Gewerkschaft für Erziehung und Wissenschaft(GEW), qui se bat pour une réforme des parcours professionnels et de la structure du personnel dans le domaine scientifique au travers de son Templiner Manifest( www.templiner-manifest.de). Début 2015, le GEW avait lancé le processus en proposant son propre projet de réforme de la WissZeitVG.
Des scientifiques allemands dans une grande incertitude
Quatre-vingt-dix pour cent des 170.000 collaborateurs/trices scientifiques des universités sont employé(e)s pour une durée déterminée – plus de la moitié d’entre eux ont des contrats de moins d’un an. Ces chiffres sont issus des recherches portant sur l’évolution de la sécurité de l’emploi dans le secteur scientifique allemand depuis l’adoption de la WissZeitVG. Ce droit du travail particulier, promulgué en 2007, ne prévoit en effet aucune durée minimale pour les contrats à durée déterminée (CDD). Cette liberté sans précédent dans la limitation des contrats de travail est largement exploitée par les universités et les instituts de recherche allemands. De nombreux/euses scientifiques sont ballotté(e)s d’un CDD à l’autre. Rares sont ceux/celles qui décrochent enfin l’unique chance d’être embauché(e) en contrat à durée indéterminée dans le système scientifique allemand: une chaire de professeur(e).
Un projet de loi pas assez ambitieux
Ces CDD à répétition font fi des besoins des jeunes scientifiques, mais ils mettent également en danger la qualité de la recherche et de l’enseignement: c’est le constat dressé par le GEW, qui a entre-temps été rejoint par d’autres acteurs. Il n’est donc pas surprenant que la proposition de révision de la WissZeitVG, présentée par le gouvernement fédéral en septembre 2015, reprenne certains éléments du programme de réforme du GEW: des postes permanents pour les activités permanentes, des normes minimales pour les CDD, des perspectives professionnelles fiables. Par exemple, le personnel non scientifique devrait enfin sortir du champ d’application de cette loi et la durée des CDD devrait à l’avenir être déterminée en fonction de l’objectif de formation ou de la période de financement du projet.
Mais de nombreux autres leviers importants n’ont pas encore été examinés par le gouvernement. La loi ne fixe aucune durée minimale pour les contrats et laisse ainsi les mains libres aux employeurs. Les conventions collectives restent également inaccessibles: syndicats et employeurs ont toujours interdiction de conclure des accords en vue de réglementer la durée des CDD. Le volet portant sur la politique familiale demeure lui aussi non contraignant: la prolongation d’un CDD en cas de congé maternité ou de congé parental reste à la discrétion de l’employeur. La demande de titularisation des post-doctorant(e)s formulée par le GEW n’a pas non plus été retenue par le gouvernement. « Nous n’avons pas besoin d’une révision de fortune, il nous faut une véritable réforme de la loi qui apportera une amélioration substantielle des conditions de travail des scientifiques », déclarait Andreas Keller, Vice-président et expert scientifique du GEW.
Mobilisation en faveur des métiers scientifiques
C’est pourquoi le GEW appelle à une semaine de mobilisation baptisée « Traumjob Wissenschaft » (qui pourrait se traduire par « Scientifique, un métier de rêve ») qui se déroulera en novembre prochain. L’objectif de cette opération est d’augmenter la pression exercée par l’opinion publique pour mieux protéger les salarié(e)s du secteur scientifique. Pendant la semaine du 2 au 6 novembre, les universités et les centres de recherche allemands accueilleront différentes actions et manifestations grâce auxquelles les employé(e)s scientifiques feront entendre leur voix en faveur d’un droit du travail juste pour leur secteur d’activité. La mobilisation pour cette semaine d’action tourne à plein régime depuis septembre 2015. La révision de la loi sur les contrats à durée déterminée des scientifiques, réclamée depuis des années par le GEW, est en effet une occasion qui ne se renouvellera pas de sitôt d’améliorer durablement les conditions de travail du secteur scientifique en Allemagne.