La résolution sur la privatisation du secteur de l’éducation et de ses structures a reçu un soutien unanime au Congrès mondial de l’Internationale de l’Education, ouvrant la voie vers la définition d’une nouvelle stratégie politique visant à coordonner les réponses mondiales et nationales.
Le Congrès mondial de l’Internationale de l’Education (IE), l’instance décisionnelle quadriennale de l’organisation qui réunit, cette année, plusieurs milliers de participant(e)s et délégué(e)s à Ottawa, au Canada, a reconnu la menace que font peser la privatisation et la commercialisation du secteur de l’éducation sur sa mission en tant que service public. Cette prise de conscience s’est traduite par l’adoption à l’unanimité de la Résolution 1.1, laquelle note avec préoccupation « l’intervention accrue et la promotion des acteurs privés dans la gouvernance de l’éducation (fourniture, financement, gestion et élaboration des politiques), associées aux défis majeurs à relever en termes d’accès à l’éducation, d’équité et de qualité, et l’absence de volonté politique de fournir et de financer des systèmes d’éducation publique dans de nombreux pays à bas et moyen revenu ».
Offrir une éducation abordable ou profiter des populations pauvres?
Au cours d’une séance en sous-groupe qui a accueilli un grand nombre de participant(e)s, quatre responsables de syndicats aux Etats-Unis, aux Philippines, au Kenya et au Brésil, ont examiné des études de cas tirées de leurs propres expériences, dévoilant les différentes facettes de la privatisation à travers le monde. Leurs expériences ont fait l’objet d’un discours thématique sur les écoles privées à bas prix, prononcé par Prachi Srivastava, chargée de cours à l’Université d’Ottawa, et analysé sous l’angle politique par Angelo Gavrielatos (IE), Directeur du projet Réponse mondiale.
Prachi Srivastava, grande spécialiste des institutions d’éducation privées à bas prix, a expliqué la façon dont le phénomène se développe dans plusieurs pays en voie de développement, confirmant une tendance qui a vu le jour il y a plus d’une décennie. Ce type de commerce a connu un glissement entre les institutions scolaires privées familiales et l’arrivée massive des entreprises transnationales sur le marché, créant un réseau opaque d’investisseurs et de parties prenantes.
Srivastava a remis en question le concept même de cette éducation dite « abordable », annoncée par ces institutions et soutenue par certaines organisations telles que la Banque mondiale, selon lequel elle permettrait de renforcer l’accès des familles pauvres à l’éducation, dans les pays où l’offre publique dans ce secteur manque de moyens et de mise en œuvre. En réalité, il a été démontré que la scolarisation d’un seul enfant dans des établissements comme Omega ou Bridge peut requérir un investissement financier considérable, allant de 25 à 50 pour cent du revenu d’un ménage.
De la stratégie mondiale à l’action nationale
Wilson Sossion (KNUT, Kenya), Fatima da Silva (CNTE, Brésil), Francisca Castro (ACT, Philippines) et Randi Weingarten (AFT, Etats-Unis) ont décrit les moyens mis en œuvre par leurs syndicats pour lutter contre la tendance à la privatisation de l’éducation, depuis l’enseignement préprimaire à l’enseignement supérieur.
L’un des phénomènes les plus inquiétants est le détournement des fonds publics au profit des prestataires privés, comme c’est le cas au Brésil et aux Philippines. Cette tendance est d’ailleurs favorisée par les recommandations émises par des institutions internationales telle que la Banque mondiale, en l’occurrence au Kenya.
La Présidente de l’AFT, Randi Weingarten a expliqué comment, en coordination avec le NUT/Royaume-Uni, son syndicat était parvenu à faire pression sur le géant de l’édu-commerce Pearson, grâce à l’action des militant(e)s et à une campagne particulièrement efficace menées sur les réseaux sociaux.
Cette séance a mis en exergue le besoin de définir des stratégies permettant d’assurer la coordination entre le niveau mondial, les niveaux nationaux, les médias et les aspects juridiques, en vue d’atteindre les objectifs du projet. L’idée principalement émise par les participant(e)s est la suivante: l’unique moyen d’apporter une réponse mondiale - de plus en plus urgente - est d’assurer une coordination entre les syndicats, les autres organisations de la société civile et les responsables politiques.