Lors de la 9e réunion annuelle du Réseau de recherche de l'IE (ResNet), qui s'est tenue à Bruxelles (Belgique) les 10 et 11 avril 2013, les participants ont eu l'occasion de débattre de différents thèmes, tels que la condition des enseignant(e)s ou encore les tendances observées dans les domaines de la liberté syndicale et de la négociation collective, depuis l'éclatement de la crise économique et financière.
Lors de la première journée de la réunion, Dr Linda Hargreaves, de la Faculté d'éducation de l'Université de Cambridge, a présenté le cadre d'une enquête intitulée « La condition des enseignant(e)s – comment l'évaluer ? », une étude mandatée par l’IE reposant sur un examen de la littérature existante sur la condition des enseignant(e)s.
Evaluer la condition des enseignant(e)s
Linda Hargreaves a présenté trois composantes de cette condition, identifiées par Hoyle (2001) :
· Prestige de la profession : opinion du public sur la position relative d'une profession dans la hiérarchie des professions
· Statut de la profession : catégorie à laquelle appartient la profession – en d'autres termes, l'enseignement est-il considéré comme une profession ?
· Estime de la profession : l'opinion de la population à l'égard de la profession
Dans le langage courant, la condition des enseignant(e)s se réfère généralement au prestige de la profession.
Linda Hargreaves a mis en lumière un certain nombre de facteurs susceptibles de porter atteinte à la condition des enseignant(e)s, notamment :
- le ralentissement économique et son impact sur la satisfaction professionnelle et sur le salaire des enseignant(e)s ;
- les méthodes d'enseignement normatives (enseignant(e)s considérés comme des généralistes) ;
- l'accent placé sur la responsabilité par le biais de tests, d'inspections, de tableaux de classement ;
- l'essor des cours privés ; et
- le phénomène croissant de mobilité et de migration des enseignant(e)s.
« Bien que les différentes composantes puissent connaître un impact différent selon les endroits, la façon dont Hoyle détermine la condition des enseignant(e)s demeure applicable à long terme et ce, dans tous les pays », a conclu Linda Hargreaves. « La réalisation d'une éducation primaire universelle doit améliorer – et non dégrader – la condition des enseignant(e)s, si ces derniers sont formés comme il se doit. La formation et le développement professionnel, ainsi qu'une formation plus poussée, permettront de promouvoir la condition des enseignant(e)s. »
Syndicats d'enseignants: une voix forte pour les professionnels
Linda Hargreaves a souligné le fait que les enseignant(e)s devaient pouvoir se faire entendre afin de mettre en lumière leur professionnalisme et leurs besoins fondamentaux, ainsi que de sensibiliser le public à l’expertise des enseignant(e)s et aux responsabilités majeures qui leur incombent.
Elle a en outre indiqué que les organisations d'enseignants occupaient une place de choix leur permettant de s'ériger en porte-parole des enseignant(e)s, de collaborer avec les gouvernements dans le cadre de réformes, de sensibiliser davantage le public au travail et à l'expertise des enseignant(e)s, ainsi que de prodiguer des conseils sur les indicateurs de la condition des enseignant(e)s – notamment dans quelle mesure ces indicateurs peuvent varier en fonction du contexte local ou national.
Etude de l'IE: tendances observées dans les domaines de la liberté syndicale et de la négociation collective
Les participants au Réseau de recherche ont également pu découvrir l' Etude de l'IE sur les tendances observées dans les domaines de la liberté syndicale et de la négociation collective depuis le début de la crise financière(en anglais), menée par Nora Wintour, chercheuse indépendante chargée d'analyser les tendances actuelles en matière de liberté syndicale et de négociation collective dans certains pays touchés par la crise économique ou affichant toujours une croissance stable. Cette étude offre une vue d'ensemble de la latitude laissée aux enseignant(e)s de s'organiser en syndicats et de les rejoindre. Elle analyse le contexte et l'ampleur de la négociation collective, et tente d'identifier et d'expliquer les changements survenus dans les domaines de la négociation collective et du dialogue social depuis 2008. Elle présente également des cas de bonnes pratiques liées au renforcement du dialogue social, ainsi que des stratégies mises en œuvre par les syndicats afin de défendre et de promouvoir la négociation collective.
Les droits fondamentaux des travailleurs menacés
L'IE et ses affiliés considèrent que l'exercice des droits fondamentaux sur le lieu de travail fait partie intégrante de la réalisation d'une éducation de qualité pour tous. Cependant, le rapport de Nora Wintour a révélé de fortes divergences dans la pratique, au regard de la condition d'emploi des enseignant(e)s, du droit d'association et de négociation collective, et du droit de grève.
Cette étude se réfère également au rapport de l'Etude d'ensemble de l'Organisation internationale du Travail (OIT), qui sera débattu à l'occasion de la Conférence internationale du Travail 2013. Ce rapport précise que l'on peut observer « une tendance mondiale vers une large consultation bipartite et une expansion manifeste du droit à la négociation collective dans les administrations publiques d'Europe et d'Amérique latine, d'un grand nombre de pays africains, ainsi que de nombreux pays d'Asie et d'Océanie ».
Adoption d'une approche fondée sur les droits humains
L'étude de Nora Wintour recommande aux syndicats d'adopter une approche fondée sur les droits humains, notamment en plaçant la liberté syndicale et la négociation collective dans un contexte de respect des droits humains, et en intégrant clairement le droit à la négociation collective aux campagnes en faveur d'une éducation de qualité pour tous.
A l'échelle internationale, il a été recommandé aux syndicats d'enseignants de :
- mettre en place une structure de partage des informations sur le site Web de l'IE ;
- organiser, préalablement à la Conférence internationale du Travail, des consultations au regard de l'Etude d'ensemble sur la négociation collective dans le secteur public ;
- ancrer le droit à la liberté syndicale et à la négociation collective pour les enseignant(e)s, comme pour l'ensemble des travailleurs/euses du secteur public, dans le programme pour le développement post-2015, en tant qu'élément fondamental pour parvenir à une éducation de qualité et à des services publics pour tous.
Parmi les autres études présentées et débattues lors de cette première journée de la réunion du Réseau de recherche, on retiendra notamment le Rapport de l'IE sur l’utilisation et le détournement de l’évaluation des enseignant(e)s(en anglais) présenté par Laura Figazzolo, ainsi que l' enquête sur la mobilité internationale des enseignant(e)s(en anglais), financée par l'IE et menée par la Fondation pour l'éducation de l' American Federation of Teachers(AFT), présentée par Nancy Van Meter, Directrice adjointe du département Research and Information Services de l'AFT.