A l'occasion d'une activité d'apprentissage entre pairs (AAP) et d'un séminaire de formation, le Comité syndical européen de l'éducation (CSEE) – le Bureau européen de l'IE – s'est penché sur les actions menées par les syndicats d'enseignant(e)s pour venir à bout des stéréotypes liés au genre et de la ségrégation entre les sexes sur le marché du travail. Ces événements ont été organisés les 9 et 10 mai derniers à Bruxelles, en Belgique, dans le cadre d'un projet financé par la direction générale de l'emploi, des affaires sociales et de l'inclusion de la Commission européenne.
Martin Rømer, Directeur du CSEE, a souhaité la bienvenue aux participant(e)s, en précisant que « la ségrégation entre les sexes conduit les femmes et les hommes à occuper des emplois différents sur le marché du travail. Cette situation est liée aux stéréotypes de genre présents dans le système éducatif. Les syndicats d'enseignants ont un rôle crucial à jouer pour y mettre un terme. »
« Le plan d'action du CSEE vise à faire évoluer les choix de carrière des étudiants ainsi qu'à promouvoir une approche sensible aux genres dans l'enseignement », a-t-il déclaré. « Nous souhaitons sensibiliser les enseignants sur la façon de défier ces stéréotypes et aider les étudiants à choisir leur carrière indépendamment de tout préjugé lié à leur genre. »
Lors de l'AAP du 9 mai dernier, Agnès Parent-Thirion, membre d'EUROFOUND, une agence tripartite de l'UE qui offre toute son expertise en matière de conditions de vie et de travail, de relations industrielles et de gestion du changement en Europe, a présenté un exposé des (in)égalités liées au genre sur le marché du travail, en se concentrant sur les choix de carrière des jeunes.
Elle a détaillé les résultats clés de la cinquième enquête d'EUROFOUND sur les conditions de travail. Les données présentées ont permis de mettre en lumière de nombreuses différences entre les pays au regard des questions de genre. En règle générale, en Europe, on peut observer une ségrégation entre les sexes, dans la mesure où l'on recense une faible proportion de femmes à des postes de supervision, une répartition inégale des heures de travail effectuées par les femmes et les hommes au sein d'un ménage, ainsi qu'un écart entre les sexes au niveau de la durée du temps de travail et du temps consacré au travail rémunéré ou non.
« Les femmes sont toujours en moins bonne santé que les hommes, étant en effet davantage exposées à des risques psychosociaux », a-t-elle déploré. « Pour les femmes, l'éducation n'est pas récompensée à sa juste mesure. De plus, un écart de rémunération subsiste toujours entre les femmes et les hommes. »
Thomas Viola Rieske, de l'Université de Postdam, en Allemagne, a également présenté un aperçu général des différences entre les filles et les garçons dans le secteur de l'éducation.
Il a questionné le fait que l'enseignement était une profession fortement féminisée, entraînant ainsi un manque de modèles de rôles pour les garçons. M. Rieske a par ailleurs souligné que les garçons issus de l'immigration ou de la classe ouvrière risquaient davantage d'être exclus du système éducatif que les autres.
Il a déploré le fait que de bons résultats scolaires ne portent pas leurs fruits sur le marché du travail. Même si les filles obtiennent de bons résultats, souvent meilleurs que ceux des garçons, on retrouve davantage de femmes à des postes à faible reconnaissance, à bas salaire et à faible pouvoir de décision, sur le marché du travail.
Il a également insisté sur l'absence de lien entre le sexe de l'enseignant(e) et la réussite scolaire de l'étudiant(e).
En vue d'introduire la sensibilité au genre dans les systèmes éducatifs nationaux, en particulier dans l'éducation des garçons en Allemagne, Frauke Gützkow, membre du Gewerkschaft Erziehung und Wissenschaft(GEW), un affilié allemand, a présenté l'article « Garçons défavorisés – Femmes dominantes ? »
Frauke Gützkow a détaillé certaines des exigences sur lesquelles travaille le GEW, en soulignant que son syndicat soutenait la mise en œuvre de pédagogies acceptant et promouvant la diversité. Le GEW a demandé que les compétences liées au genre deviennent partie intégrante de tout programme d'éducation universitaire et de toute session de formation professionnelle pour éducatrices et éducateurs.
Au cours de l'après-midi, les participant(e)s ont été réparti(e)s en deux groupes de travail et ont débattu des bonnes pratiques des syndicats nationaux en matière de promotion de la sensibilité au genre dans leurs systèmes éducatifs respectifs.
Le séminaire de formation s'est, quant à lui, déroulé le 10 mai. Kounka Damianova, la Présidente du Comité permanent pour l'égalité du CSEE, a présenté un rapport sur l'AAP organisée la veille, en soulignant que « nous devons garantir les droits humains dans l'éducation, la démocratie dans l'éducation à tous les niveaux, ainsi que la préservation des droits des filles et des garçons, de leurs points communs et de leurs différences. »
« Les syndicats d'enseignant(e)s doivent apporter tout leur soutien à l'égalité des genres. Et c'est en changeant nos comportements au sein même de nos organisations que nous pourrons renforcer l'égalité dans l'éducation. Les éducateurs/trices doivent être soutenu(e)s par des études de haut niveau. Nous devons mieux exploiter le dialogue social européen dans le domaine de l'éducation et améliorer la législation pour réaliser l'égalité des genres au sein de notre société. »
Lucie Davoine, membre du Groupe pour l'égalité des genres de la direction générale de la justice de la Commission européenne, a évoqué les environnements de travail sensibles à la question du genre, en insistant sur les législations nationale et européenne dans les domaines de l'égalité et des conditions de travail. Elle a présenté la Stratégie pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2010-2015 de la Commission européenne, visant à parvenir à une égalité entre les sexes au regard de l'indépendance économique et des processus de prise de décision.
« Au niveau de l'UE, l'égalité des genres repose sur des fondements juridiques très solides », a-t-elle expliqué. « En ce qui concerne le marché du travail, par exemple, des directives sur l'égalité de rémunération, la protection des travailleuses enceintes et les congés de maternité ont été adoptées. »
Pourquoi existe-t-il un écart salarial entre les femmes et les hommes? En effet, en Europe, les hommes gagnent 17 % de plus que leurs homologues féminins. Lucie Davoine a expliqué que la discrimination, la sous-évaluation du travail des femmes, le plafond de verre (barrière invisible mais sans faille empêchant les femmes d'accéder aux plus hautes responsabilités malgré leurs qualifications et leurs réussites) et la ségrégation sur le marché du travail existent encore et toujours. Cela expose les femmes à une diminution des retraites et à un risque plus élevé de pauvreté.
L'intervenante principale, Carolyn Hannan, de l'Université de Lund en Suède, a présenté des méthodes de lutte contre les stéréotypes liés au genre dans l'éducation et a expliqué comment créer un environnement scolaire favorable aux petites filles. Elle a indiqué que l'égalité des genres devait faire face à de nombreuses menaces dans l'ensemble de la société. S'il est parfois justifié de se concentrer sur les filles, il s'avère parfois également judicieux de penser davantage aux garçons.
« L'évolution des mentalités est un processus lent et l'égalité des genres n'a pas encore été entièrement traduite en actions », a-t-elle ajouté. Elle a ensuite déploré le fait que l'éducation des petites filles ne soit pas récompensée à sa juste mesure en raison des stéréotypes liés au genre, présents très tôt dans les manuels, programmes scolaires ou autres supports d'enseignement.
Elle a en outre établi un lien entre les stéréotypes liés au genre et l'intimidation à l'école. Si les filles obtiennent de bons résultats dans des matières considérées comme étant l'apanage des garçons, à savoir les mathématiques et les sciences, il arrive que leur féminité soit remise en question et qu'elles soient victimes de harcèlement. C'est pour cette raison que Carolyn Hannan a appelé à la mise en place d'un environnement scolaire de soutien et d'intégration. Les médias sociaux ont malheureusement donné naissance à de nouvelles méthodes de harcèlement et d'abus fondées sur les stéréotypes liés au genre. Elle a ainsi invité à mener des recherches supplémentaires dans ce domaine.
L'AAP et le séminaire de formation ont tous deux contribué aux lignes de conduite du CSEE pour lutter contre les stéréotypes liés au genre dans le secteur de l'éducation. Ces solutions devront être précisées par les membres du groupe consultatif, puis débattues et validées lors de la conférence de clôture du projet, les 11 et 12 septembre 2012, à Varsovie, en Pologne.