L'éducation de qualité: une définition au sens large, basée sur le droit
En ce qui concerne l'éducation de qualité, rien n'est plus important que de s'assurer qu'elle ne soit pas définie étroitement: l'éducation de qualité est un concept large, non seulement dans son objectif, mais aussi par ce qu'elle implique.
Je dis parfois que même si 90 pour cent des enfants fréquentent l'école, on n'est pas vraiment proche d'un système d’éducation de qualité si les 10 pour cent restants sont les plus vulnérables parce que l'on n'insiste pas suffisamment sur l'égalité.
Lorsque nous considérons l'éducation de qualité, nous ne pouvons donc pas nous contenter de regarder les chiffres combinés, nous devons les décomposer et détailler la situation pour les filles, les enfants ayant des besoins spéciaux, les groupes autochtones. Nous devons vérifier si nous sommes en présence d'un système qui s'adresse à toutes et tous.
Cet aspect est très important de nos jours, où tout se mesure en chiffres. Tous les chiffres peuvent être positifs, mais si les minorités ne sont pas incluses en raison de leur manque d'influence sur les statistiques, on ne peut pas considérer avoir atteint l'éducation de qualité universelle pour toutes et tous.
La qualité dépend donc du contenu de l'éducation, qui doit être sensible à la diversité et s'étendre à la formation des enseignantes et enseignants, au matériel éducatif et didactique, au programme scolaire et aux livres scolaires. »
Pakistan: hiérarchie de l'exclusion
Au Pakistan, les choses sont assez similaires.
Il y a aussi une certaine hiérarchie lorsqu'il s'agit d'accès à l'éducation et nous savons, à peu de choses près, qui seront les derniers inclus: en règle générale, les villes passent avant les zones rurales, les garçons avant les filles, la population majoritaire avant les indigènes ou les minorités, les étudiantes et enseignants sans besoin spécifique avant ceux et celles ayant des besoins spécifiques.
Cette hiérarchie s'applique au Pakistan. Le taux de fréquentation scolaire est plus élevé dans les villes que dans les zones rurales, où bien des communautés n'ont même pas d'école. Nous savons également que le taux de fréquentation scolaire des filles est nettement moins élevé que celui des garçons.
L'éducation des filles freinée par la culture et la tradition
Les filles représentent notre principal combat au Pakistan, peu d'entre elles fréquentant ou terminant l'école. Le pays connaît un taux d'abandon scolaire élevé, tant pour les garçons que pour les filles, mais principalement pour les filles.
Le Pakistan n'est pas le seul pays dans ce cas, mais c'est un bon exemple de pays où, en plus de travailler sur l'infrastructure, le financement et les politiques publiques, il faut travailler sur l'aspect culturel et les attitudes, plus précisément en ce qui concerne l'éducation des filles. Pour certains, il s'agit d'une question de religion: je ne sais pas quelle part joue la religion, mais pour moi, il s'agit davantage d'un aspect culturel et traditionnel.
Certains fondamentalistes liés aux talibans s'activent sans vergogne pour que les filles n'accèdent pas à l'éducation, détruisant les écoles qui enseignent aux filles, les attaquant et menaçant les parents et les filles pour les empêcher d'aller à l'école. Ils considèrent toujours l'éducation des filles comme une menace, en particulier parce que l’éducation autonomise.
Il s'agit en partie d'un héritage culturel et une manière de faire les choses. Il faut donc travailler sur plusieurs plans et tenter de changer les attitudes et cela doit venir de l'intérieur. Je ne pense pas que nous devons venir de l'extérieur et leur dicter la bonne attitude. Cependant, nous pouvons aider ceux et celles qui luttent pour l'éducation des filles, à commencer par les communautés locales, et les convaincre qu'ils agissent pour le bien de leurs filles.
Je voudrais souligner que les réussites existent: le taux de participation augmente et certaines filles grimpent des échelons sur l’échelle sociale, se sortent de la pauvreté et parviennent à obtenir une éducation pour devenir elles-mêmes des modèles de vie.
Des élections viennent d'avoir lieu au Pakistan. Je pense donc qu'il est important de mettre cette occasion à profit. Avec la mise en place du nouveau gouvernement après les élections, nous espérons que les choses vont se calmer.
La collaboration avec l'IE pour la promotion de l'éducation
Nous nous sommes rassemblés avec nos affiliés et d'autres partenaires coopérants comme l'Envoyé spécial des Nations Unies en charge de l'éducation mondiale, Gordon Brown. Nous nous sommes rassemblés pour unir nos forces et formuler auprès du gouvernement des demandes pour un plan de développement et un suivi de sa mise en œuvre.
L'IE va également bientôt lancer un Fonds de bourse d'étude pour le Pakistan, centré sur l'éducation des filles.
Nous voulons surtout nous assurer que lorsque des personnes violentes tuent des enseignantes et enseignants, des étudiantes et étudiants ou s'opposent à l'éducation des filles, ils savent que nous les surveillons. Il s'agit de faire la lumière sur les événements et mobiliser les communautés locales et globales pour qu'elles prennent leurs distances face à cette terrible attitude. Il s'agit aussi de soutenir celles et ceux qui sont assez braves pour ne pas renoncer à une bonne cause et doivent savoir qu'ils ne sont pas seuls dans leur lutte pour une éducation de qualité pour tous, y compris les filles et les femmes.
Je pense que la Journée de Malala, cette initiative de Gordon Brown qui sera célébrée le 12 juillet, va dans le même sens: Malala est une fille, un symbole de bravoure et de lutte pour chaque cause importante, comme l'éducation des filles. Cette journée sera consacrée à l'éducation des filles dans le monde entier, pas uniquement au Pakistan.
Haïti: des petits pas durables vers une éducation de qualité sous la supervision des enseignant(e)s
En Haïti, le Gouvernement a développé un bon plan pour avancer. L'IE et ses affiliés sont des experts quant aux besoins, mais ils sont aussi des gardiens veillant à ce que le plan en matière d'éducation soit effectivement appliqué. C'est un rôle difficile à endosser, car dans ce pays, on ne peut pas s'attendre à obtenir un enseignement public de qualité pour tous les enfants d'ici demain. Il faut accepter d'avancer à petits pas durables pour construire l'avenir.
Haïti doit développer l'enseignement public, mais aussi la formation de ses enseignantes et enseignants, l'enseignement supérieur et le développement de son programme scolaire.
Même si le Gouvernement n'a pas l'argent pour financer le secteur public, il peut s'impliquer et commencer à prendre le contrôle par le biais de la formation des enseignantes et enseignants et du développement d'un programme scolaire.
Il s'agit aussi de trouver la bonne méthode de progression, qui diffère pour chaque pays en fonction du niveau de développement.
Haïti manque d'argent et d'infrastructure. Dans une certaine mesure, le pays manque aussi de politiques publiques, mais certaines se mettent en place, et les enseignantes et enseignants sont une clé dans leur application.
Des catastrophes naturelles dévastatrices
Haïti et le Pakistan ont tous deux été frappés par des catastrophes naturelles. Tant de pays pauvres subissent des catastrophes naturelles, c'est un vrai désastre: lorsqu'elles frappent, ces catastrophes sont d'autant plus graves que ces pays ne disposent pas des fonds nécessaires à leur prévention ou à la gestion de leurs conséquences.
C'est différent dans une société comme le Japon, où la sensibilisation aux catastrophes naturelles fait partie intégrante de l'éducation et où l'ensemble de la société est entraînée à réagir en cas de tremblement de terre. Certaines personnes disent que les suites du tremblement de terre en Haïti ont été terribles, mais elles auraient pu l'être un peu moins. Considérez par exemple les maladies qui se sont répandues après le tremblement de terre: avec des programmes de vaccination, avec une conscientisation des femmes et des jeunes filles sur l'importance de la vaccination des enfants, on aurait pu éviter par la suite certaines des épidémies et des maladies. C'est clairement un cercle vicieux où, par de nombreux aspects, l'éducation est à la fois la solution et l'outil pour promouvoir le développement.
L'aide d'urgence pour soutenir les efforts à la reconstruction
Vient ensuite la question de savoir où commencer: c'est pourquoi l'IE s'est rendue en Haïti avec une aide d'urgence, pour aider les affiliés et les enseignantes et enseignants à reconstruire l'infrastructure de base après le tremblement de terre.
Le pays n'est pas encore complètement reconstruit, et notre soutien vise de plus en plus à aider nos affiliés à constituer une coalition pour un enseignement public de qualité dans le pays. Nous nous concentrons sur la manière dont les enseignantes et enseignants et leurs syndicats peuvent devenir des agents et des solutions pour le développement d'un système d'enseignement public de qualité.
La mission de janvier a permis de soutenir nos affiliés, non seulement dans la réalisation de leur campagne pour une éducation publique de qualité en Haïti, mais aussi dans la présentation de cette campagne aux autorités et dans l'instauration d'un dialogue avec ces dernières en vue de progresser. Nous voulons influencer les autorités avec les suggestions adéquates.
Haldis Holst, la Secrétaire générale adjointe de l'Internationale de l'Education (IE), supervise le travail de l'IE sur la coopération au développement, ainsi que sur les questions relatives aux droits humains et syndicaux et à l'égalité.
Au début 2013, elle a participé à une mission en Haïti, où un tremblement de terre dévastateur a provoqué la chute d'un système éducatif déjà fragilisé. Holst surveille également la situation au Pakistan, où les personnes qui promeuvent l'éducation inclusive, et plus spécialement l'éducation des filles, doivent faire face à bien des dangers et parfois même risquer leurs vies.
Pour Mondes de l’Education, elle détaille les défis de l'enseignement public de qualité dans ces pays, qui n'atteindront ni l'un ni l'autre pour 2015 les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) définis à Dakar en 2000.
« Ces deux pays - Haïti et le Pakistan - sont importants pour l'IE car des enfants y sont privés d'éducation.
En termes de facteurs communs, tous deux manquent de ressources publiques. Nous savons que l'éducation constitue un très bon investissent, mais pour cela, il faut disposer des fonds nécessaires pour investir dans un système de qualité profitant à tout le monde.
Ces deux pays doivent donc rehausser leurs budgets pour pouvoir financer l'éducation.
Haïti: des défis dans le secteur public
Haïti est un très bon exemple dans cette perspective: 85 pour cent de l'éducation y est privée. Nous pouvons aller en Haïti et prendre le contrôle de l'ensemble du système national d'éducation, mais il faut bien réaliser que, même en mettant sur la table la totalité du budget national, il serait impossible de financer l'éducation pour toutes et tous. Un grand défi consiste à instaurer un secteur public en Haïti, car les politiciens ne contrôlent en fait pas la définition des services publics.
De plus, pour qu'un pays se développe de façon à devenir indépendant, il faut soutenir le développement à long terme de l'infrastructure d'un système politique et d'un système public d'éducation. Cela signifie qu'il faut relier des établissements scolaires individuels dans le même système.